Le 24 mai avait lieu à TFO, une soirée spéciale « nouveaux citoyens canadiens » sur le thème : les espoirs des nouveaux Canadiens et immigrants francophones de l’Ontario et les enjeux des élections. Étienne Fortin-Gauthier, journaliste à TFO et animateur de l’événement, était entouré de quatre panélistes : Fayza Abdallaoui, Rajiv Bissessur, Ali Liénaux, et Fété Ngira-Batware Kimpiobi. « Bien souvent, les Néo-Canadiens votent moins. Nous voulions donner une tribune pour qu’ils fassent entendre leurs enjeux », a confié M. Fortin-Gauthier.
Chaque année, environ 100 000 personnes immigrent en Ontario dont 2,2 % sont des francophones. À leur arrivée, elles n’ont pas le statut de citoyen canadien. Certains francophones ayant des permis de travail deviendront résidents permanents et ensuite citoyens. D’autres repartiront dans leur pays d’origine. Le chiffre exact des immigrants francophones devenant citoyen canadien n’est pas connu.
Les nouveaux citoyens francophones, peu importe leur nombre, ont dû apprendre des choses sur leur pays d’adoption afin de devenir citoyens, mais sont-ils bien familiers avec le système politique de leur province? Voteront-ils aux prochaines élections? Quels sont leurs enjeux et leurs espoirs? Ce sont notamment ces questions qui ont été débattues le jeudi 24 mai.
Les immigrants francophones sont éparpillés un peu partout en Ontario. Selon Ali Liénaux, psychothérapeute et ancien directeur adjoint du Centre francophone de Toronto, « il n’y a pas de lieu de rassemblements, pas de représentation ». Les francophones sont donc vus comme une minorité et se fondent dans la masse, ce qui complique l’accès aux services. Certains francophones ne sont pas au courant de tous les services qui leur sont proposés et certains sont trop loin pour y accéder.
Les nouveaux citoyens canadiens francophones sont confrontés à différents enjeux. Mais quels sont-ils? À cette question, Fété Ngira-Batware Kimpiobi, directrice générale de Sofifran dans la région du Niagara, a répondu : l’emploi. Si les gens ne trouvent pas de travail, ils partent et c’est ce qui se passe selon elle et la communauté francophone qui est établie dans cette région depuis longtemps est isolée.
Rajiv Bissessur considère que les enjeux sont multiples. Il en cite deux en particulier : la santé et l’éducation. Quant au logement, il a été évoqué par Mme Abdallaoui, présidente du Mouvement ontarien des femmes immigrantes francophones. L’organisme a d’ailleurs fait récemment un sondage auprès des femmes immigrantes francophones, et le logement abordable est arrivé en tête des préoccupations.
« C’est une problématique de base », confie-t-elle. Les prix très élevés dans la région du Grand Toronto rendent l’achat d’un bien immobilier difficile pour les immigrants qui arrivent généralement sans travail et dont l’apport financier est faible, voire inexistant.
« On part avec un obstacle », renchérit M. Fortin-Gauthier. L’égalité de salaire est un autre enjeu majeur, selon Ali Liénaux. Les immigrants ont un salaire 20 % inférieur aux Canadiens nés au Canada. De plus, certains diplômes ne sont pas reconnus ici et un immigrant perd son statut social en arrivant et doit prendre un travail en dessous de ces compétences. Il y a du protectorat au niveau des corps professionnels, ajoute M. Liénaux. Les immigrants sont aussi victimes de racisme et notamment quand il s’agit de trouver un emploi.
« Des problèmes très sérieux de discrimination », à l’emploi existent, selon Mme Ngira-Batware Kimpiobi. Pour cette dernière il est nécessaire que la communauté francophone s’organise. « Les politiques vont vers les communautés qui sont organisées », ajoute-t-elle. S’organiser est un défi de taille.
Et au niveau politique, que pensent les panélistes? Ils ont été assez critiques vis-à-vis des politiciens qui briguent le poste de premier ministre de la province. Ces derniers sont à la recherche de votes et sont prêts à tout pour être élus. Entre ce qu’un politicien promet et fait, il y a un grand écart. « Offrir n’importe quoi pour se faire élire », glisse Ali Liénaux.
Autre sujet intéressant qui a été abordé est l’éducation civique des citoyens. C’est bien simple, pour que le nouveau citoyen et même le Canadien né ici Canada vote, il faut l’éduquer. Des populations qui ne comprennent pas le système électoral sont moins enclines à se déplacer aux urnes.
Au cours de la séance de questions, Jean Grenier Godard, directeur général de l’Alliance française arrivé à Toronto en septembre 2017 a soulevé un point assez intéressant. Les panélistes parlaient de temps en temps des « nouveaux immigrants », mais ces derniers ne sont généralement pas citoyens canadiens.
Pour M. Grenier Godard, les politiciens ne s’intéressent pas vraiment à cette population étant donné qu’ils ne peuvent pas voter. Fayza Abdallaoui, qui n’est pas citoyenne canadienne, a répondu qu’il était quand même possible de se mobiliser et de donner son opinion. Les politiciens, une fois élus, prendront en compte le discours d’un immigrant non citoyen, mais est-ce le cas des politiciens en pleine campagne à la recherche de voix?
Les panélistes qui ont débattu devant une salle à moitié pleine ont été assez pessimistes, critiquant les différents partis politiques en campagne. « La situation n’est pas catastrophique », a conclu Ali Liénaux. Mais d’après tous ce qui a été dit, il reste encore énormément à faire pour que le nouveau citoyen canadien et l’immigrant trouvent leur place à leur juste valeur dans la société canadienne.
S’il fallait retenir que quelques mots de ce débat, ce serait : discrimination, éducation civique, mobilisation et organisation de la communauté francophone.
PHOTO: De gauche à droite : Ali Liénaux, Fayza Abdallaoui, Étienne Fortin-Gauthier, Fété Ngira-Batware Kimpiobi et Rajiv Bissessur lors de la conférence sur les espoirs des nouveaux canadiens et immigrants francophones de l’Ontario et les enjeux électoraux.