Plus d’un million d’étudiants s’apprêtent à intégrer le premier cycle sur les campus canadiens. Avec une dizaine d’universités, le Sud ontarien offre une palette de programmes très variée… en anglais.
Faute de place et de programmes dans leur langue, la grande majorité des francophones poursuivent leur cursus dans les universités anglophones ou déménagent à Ottawa et Montréal. « Seulement 27% des Franco-Ontariens parviennent à continuer leurs études en français », affirme Slown Balan, membre du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO). Cet étudiant en deuxième année de sociologie au Collège Glendon, unique campus bilingue dans la région de Toronto, fait partie de ces francophones étrangers venus au Canada pour mettre toutes les chances de leur côté.
Comme de nombreux camarades, il s’est heurté à plusieurs réalités déstabilisantes. « Quand vous arrivez d’un pays francophone et que vous ne maîtrisez pas l’anglais, l’adaptation est difficile, poursuit-il. Même dans les institutions qui se disent bilingues, la majorité des ressources académiques sont en anglais et utiliser des livres du Québec, qui reflètent d’autres réalités, est incohérent dans des domaines tels que la sociologie. »
Le manque d’accompagnement dans l’accès à la santé, aux bourses et au logement ajoute à ces difficultés et peut vite se révéler un handicap à la réussite de ses études. Le militant du RÉFO déplore également un manque d’information dans les premiers mois pour faciliter les démarches administratives et s’adresser aux bons organismes.
Bilinguisme et double diplôme très prisés
« Au Collège Glendon, tout tourne autour de la francophonie », prévient le principal, Donald Ipperciel. Le bilinguisme est clairement un argument dans ce campus de l’Université York, brandi comme un atout pour un marché du travail en carence d’emplois bilingues. « Cela fait partie des compétences dites essentielles. Elles sont aussi importantes que les compétences techniques, considère M. Ipperciel. Les employeurs cherchent des collaborateurs capables de réfléchir, communiquer, critiquer. Glendon appuie ainsi sa stratégie sur une complémentarité entre disciplines universitaires (histoire, économie, sociologie) et techniques (traduction, interprétation, administration des affaires). « Nos étudiants suivent des programmes d’étude en arts libéraux qui les préparent à ces compétences collaboratives, et vont idéalement ajouter un élément technique. Un historien se spécialisera par exemple en gestion de projets et complétera sa formation par des stages en milieu professionnel. »
Cette complémentarité entre théorie et pratique s’est renforcée grâce à une collaboration accrue entre les universités, qui dispensent des cours académiques, et les collèges, dont les études plus courtes préparent à des métiers spécifiques. Pour attirer les étudiants francophones, le campus torontois du Collège Boréal a non seulement ouvert de nouveaux programmes (architecture, pharmaceutique et génie informatique) mais aussi accentué ses collaborations universitaires. « Ces ententes favorisent les doubles diplômes très recherchés par les recruteurs, indique Lynn Michaud, vice-présidente à l’enseignement. Aujourd’hui, le candidat idéal pour un service communautaire, par exemple, est un diplômé en psychologie et travail social. »
L’expérience internationale, un atout professionnel
L’expérience internationale est aussi un marqueur de cette rentrée. Les effectifs étrangers
83 000 à 175 000 ces dix dernières années au pays, selon Universités Canada, organisation porte-parole des universités canadiennes. Une tendance lourde qui s’explique en partie par une réduction des financements.
Au Collège Glendon, on enregistre une hausse de 2 %. Sur 2700 étudiants, 179 sont étudiants internationaux et 55 en échange. « C’est une façon d’aller chercher des fonds ailleurs mais aussi de s’ouvrir à la communauté francophone qui est internationale. Nos programmes d’échange avec la France apportent une réelle valeur ajoutée au diplôme », constate Donald Ipperciel.
À Boréal, où les demandes d’admission sont à la hausse, les étudiants internationaux sont aussi très courtisés. Avec 104 admissions pour le moment, l’établissement a atteint sa cible fixée à 30 %. « Ce sont des étudiants d’Europe et d’Afrique essentiellement, précise Mme Michaud. Nous envoyons aussi des étudiants en stage à l’étranger où ils acquièrent une expérience internationale. Notre programme le plus récent est une formation en agriculture au Mali. Ces échanges alimentent le réseau de notre grande famille francophone. »
Francophones et Autochtones : de lentes avancées
Plus des deux tiers des universités canadiennes prennent des mesures pour intégrer la représentation autochtone, d’après une enquête d’Universités Canada en 2017. Selon Donald Ipperciel, la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation en 2015 a contribué à changer la donne au sein des universités qui ont pris leur part de responsabilités. « À Glendon, une association autochtone bénéficie désormais d’un espace de vie, des cours de langue Ojibwe sont enseignés et un plan stratégique sur la question autochtone a été mis sur pied. Son comité se réunira en septembre.
À Boréal, le Centre LouisRiel de Sudbury, en fonction depuis 2010, apporte des services aux étudiants autochtones et les accompagnent dans leur intégration et le protocole d’entente avec la nation métisse de l’Ontario pour évaluer et augmenter les possibilités de formation a été reconduit en juin dernier.
Universités et collèges s’accordent à dire que l’offre de programmes en français est très limitée. En misant sur les collaborations, la dématérialisation des cours, le bilinguisme et en prenant mieux en compte les besoins des étudiants, ils tentent d’élargir leur clientèle francophone. Cependant, trop de restrictions perdurent, rappelle Slown Balan qui attend avec impatience les mesures gouvernementales qui découleront du rapport Adam (dont la publication est attendue à l’automne) sur la création d’une université francophone en Ontario.
« Au Québec, les anglophones bénéficient de trois universités unilingues qui s’accaparent 30 % du budget alloué à l’éducation postsecondaire. En Ontario, on est à 6 % et nous n’avons toujours pas d’université francophone. Tant qu’on sera une minorité dans ces établissements, on sera toujours au second plan. La création d’une université francophone est la seule manière de sortir du faux-semblant bilingue. Cela signifierait le début d’un enchaînement de progrès. »
Photo (Universités Canada) : alors que les étudiants poursuivent massivement leurs études dans les établissements anglophones, universités et collèges bilingues mettent en avant leurs atouts.