Pour le dernier cabaret-chanson de la saison (le 27e depuis la création du concept), la galerie Pierre-Léon de l’Alliance française de Toronto était pleine à craquer. Intitulé Au bord de l’absence, le spectacle a réuni la chanteuse Maryem Tollar, le compositeur et chanteur David Wall et le guitariste et pianiste Brian Katz. Originalité de la mise en scène : les artistes étaient placés dans trois endroits différents de la salle, laissant au public venu nombreux prendre place parmi eux. Une ambiance feutrée et intimiste dans un décor de salon : promiscuité garantie.
Le thème du concert abordait les affres de l’amour déchu, de l’attente de l’être cher, du renoncement douloureux à une relation autrefois rêvée. Bref, on a parlé amour mais bien loin des comédies romantiques hollywoodiennes.
Les trois artistes entament la soirée par Que reste-t-il de nos amours? de Charles Trenet, Maryem Tollar introduisant une petite touche arabisante : on imagine aisément l’auteur de La Mer composant la chanson lors de vacances en Andalousie. « Dans un nuage, le cher visage de mon passé » : la mélancolie, le regret, l’amour toujours, tout est dit avec un seul vers. Après Dévoile-moi, fruit de la collaboration entre Maryem Tollar, Allyson Long et Dominique Denis et The Water is Wide/Trop Loin l’Irlande, traditionnel dont le thème a, entre autres, été repris par Renaud sur La Ballade nord-irlandaise, le groove s’installe avec I’m Gonna Sit Right Down And Write Myself A Letter. Le public applaudit les prouesses de Brian Katz et l’humour allié à la technique de David Wall, sorte de Michael Bublé kletzmer au top de sa forme. All I Want de Joni Mitchell sied à ravir au grain de voix de Maryem Tollar, la chanteuse réussissant la prouesse d’atteindre cette intonation si particulière dans les aigus, marque de fabrique de l’interprète de California.
La chanteuse prouve ensuite qu’elle reste une des plus grandes voix de la musique arabe en interprétant le bouleversant Ya Ghazali, un chant traditionnel soufi, sans doute le titre le plus sensible de la soirée. Martha de Tom Waits vient rappeler au public que, sous des allures quelque peu débrayées, le grand Tom reste un éternel romantique. Après L’écharpe de Maurice Fanion, l’histoire d’un homme qui se lamente de son amour perdu en humant « ce soupir de soi qui soupire après nous », les trois musiciens terminent le spectacle sur un Remerciement de Philippe Val, mode d’emploi pour survivre après une rupture : tous les conseils classiques y passent (ne pas garder de photos, ne plus se rendre sur le lieu du premier baiser, aller dormir aux petites heures, regarder des westerns et boire beaucoup) mais rien n’y fait : comme le chantent si justement Maryem et David : « Merci pour les conseils mais rien n’est plus pareil depuis que tu n’es plus ici ».
Une soirée au ton plutôt doux-amer qu’aigre-doux qui aura prouvé que, même brisé, l’Amour avec un grand A reste sans doute la plus puissante des inspirations.
Photo : David Wall, Maryem Tollar et Brian Katz ont ravi le public de l’Alliance française.