« Il va falloir brasser la cage. Il faut bouger maintenant ». Voilà comment, avec son sens de l’humour qui lui est propre, Me François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario, décrit les actions que la province doit prendre dès maintenant pour améliorer l’accès aux études postsecondaires pour les jeunes Franco-Ontariens qui résident dans le sud et le centre de la province.
Invité à présenter son rapport publié en juin 2012 devant une vingtaine de personnes au Centre de recherches en éducation franco-ontarienne (CRÉFO), Me Boileau a fait ressortir les lacunes en matière d’éducation postsecondaire que présente la région du Centre-Sud-Ouest.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Dans son rapport, Me Boileau constate qu’en moyenne, le taux d’accès à l’éducation postsecondaire en français varie de 0 % dans le Sud-Ouest à 3 % dans le Centre par rapport à la proportion de programmes en anglais (6 % à Toronto). À titre de comparaison, ce même taux est de 36 % dans l’Est et 33 % dans le Nord. Ce constat est d’autant plus troublant puisque la région du Centre-Sud-Ouest connaît la plus forte croissance démographique en français et que le taux de fréquentation des institutions universitaires et collégiales y est le plus élevé. Mais seulement voilà, les jeunes n’ont pas ou peu de choix de poursuivre leurs études en français.
Ce n’est pourtant pas la volonté qui manque chez ces jeunes Ontariens puisque 47 % indiquent qu’ils choisiraient d’étudier en français s’ils en avaient la possibilité. Me Boileau et son équipe ont relevé deux facteurs essentiels qui influencent un jeune à continuer ou non en français : la qualité et la proximité des programmes.
La question de savoir si les programmes qu’on va offrir en français seront aussi bons que ceux qu’on propose du côté anglophone fait sourire le commissaire. Il se remémore le scepticisme qu’avait rencontré le projet de créer un programme en français pour enseigner le Common Law, système juridique anglo-saxon basé sur la jurisprudence, il y a environ 35 ans. Aujourd’hui, ce même programme s’exporte à l’étranger et pas moins de deux juges de la Cour suprême en sont sortis de ses rangs.
La question de la proximité est cependant un problème réel. Selon ses enquêtes, un programme doit s’offrir à moins de 80 km de chez lui pour qu’un étudiant le choisisse. On voit la nécessité de créer plus de centres universitaires ou collégiaux puisque seulement 5 des 44 institutions postsecondaires ontariennes sont de langue française. Cette insuffisance de services mène à un transfert des jeunes Franco-Ontariens vers des études en langue anglaise.
Pour remédier à ce problème, Me Boileau préconise que les Franco-Ontariens prennent en main la gestion et le contrôle des programmes, à l’instar de ce qui se fait maintenant au niveau de l’école élémentaire ou secondaire. Les programmes ne seront plus alors créés seulement sur une base de rentabilité comme c’est la pratique dans un milieu majoritaire. Selon lui, ce système ne répond pas aux besoins des personnes vivant dans une situation minoritaire. Il faut au contraire proposer une offre active aux Franco-Ontariens. Pour illustrer ce concept, il explique qu’un francophone ne va bien évidemment pas demander un service en français s’il sait pertinemment que celui-ci n’est pas offert.
Me Boileau prône qu’une plus grande autonomie soit accordée aux collèges et universités franco-ontariennes. Il cite à titre d’exemple l’Université de Saint-Boniface au Manitoba. D’après Me Boileau, nous devrions commencer par rendre le Collège Glendon plus autonome. Pour ce qui est du projet de la création d’une université franco-ontarienne, le rapport recommande qu’on fasse appel à une large participation de la communauté. Le commissaire recommande également la création d’un nouveau secrétariat au sein du ministère de la Formation et des Collèges et Universités afin d’établir un plan d’ensemble et de coordonner les besoins de la population franco-ontarienne en matière d’éducation postsecondaire.
Quant à savoir à qui seront destinées ces nouvelles institutions, Me Boileau est sans équivoque. Il juge que les francophones aussi bien que les francophiles pourront en bénéficier, à condition cependant que le fonctionnement se fasse en français. À cet effet, il rappelle que 80 % des jeunes Franco-Ontariens dans notre région sont issus de familles exogames (couple francophone-anglophone).
Me Boileau se veut optimiste et souligne que lors du dernier discours du trône, le gouvernement semble avoir démontré une réelle volonté politique à l’égard de l’éducation postsecondaire en Ontario. Il attend cependant des actions concrètes et immédiates.
Photo : Me François Boileau