Le passé, le présent et le futur des Premières Nations ont occupé une grande partie de l’actualité au cours des derniers mois. Au fondement de la volonté des communautés autochtones d’améliorer leurs conditions de vie et d’obtenir justice pour les abus dont elles ont été victimes se trouve aussi le désir de regagner leur dignité et de faire tomber les préjugés. À ce grand thème de la réconciliation, un tatoueur de Toronto, Toby Sicks, a pris l’initiative d’ajouter sa contribution.
Originaire de Hearst, il pratiquait déjà le tatouage avant d’étudier en travail social au Collège George Brown. Là, il a peaufiné ses connaissances des réalités vécues par les Premières Nations, un sujet qui lui tient à coeur puisqu’il a lui-même des racines autochtones. L’idée lui est alors venue de fusionner ses passions en un commerce qui serait en même temps une plate-forme idéale pour aider les autres et promouvoir une meilleure compréhension entre les Amérindiens et le reste de la population. Ainsi est né, le 15 juillet dernier, Inkdigenous, un salon de tatouage à mi-chemin entre une galerie d’exposition et un lieu d’éducation populaire situé au 124 rue Jarvis.
Ce passage du travail social au tatouage a été des plus naturels pour Toby Sicks : « Je voulais incorporer l’éducation que j’ai reçu à mon art dans le contexte de mon commerce ». En effet, M. Sicks a étudié les différentes cultures autochtones et les symboles qui leurs sont liés, de sorte que les motifs qu’il immortalise sur ses clients ne relèvent pas de la fantaisie et il peut en expliquer la signification. Cela permet à ceux qui ne sont pas Autochtones de se faire initier à cette culture, et M. Sicks ne manque jamais l’occasion de faire comprendre, par une approche conviviale, ce qui se cache derrière ces représentations d’animaux ou autres.
Mais, parfois, les Autochtones ont eux-aussi besoin de se faire expliquer ce que signifient ces symboles, car les politiques d’assimilation agressives ont fait des ravages en ce qui touche à la transmission de la mémoire collective. À cela s’ajoute les problèmes de violence, de pauvreté, de consommation de drogues, etc., qui résultent de ce colonialisme larvée que les Premières Nations ont subi pendant plusieurs générations. De sorte que vouloir se libérer de problèmes personnels de cet ordre et redécouvrir la culture de ses ancêtres vont souvent de paire chez les Autochtones.
De par son art et ses études, M. Sicks peut intervenir auprès de ceux qui veulent se confier et qui veulent incorporer un tatouage dans leur processus de guérison, pour commémorer un défi qu’ils ont surmonté par exemple. Le tatouage peut se faire dans le cadre d’une cérémonie à connotation spirituelle et il symbolisera ce qui est cher à celui ou celle qui l’arborera fièrement. D’ailleurs, les Autochtones qui portent ces dessins permanents peuvent ensuite se faire les ambassadeurs de leur culture, en répondant aux questions que ces motifs ne manquent pas de générer chez les autres. Un partage se fait alors, de culture à culture, ajoutant de l’eau au moulin de la réconciliation.
Toby Sicks n’est pas la seule personne que les clients peuvent rencontrer chez Inkdigenous. Ils pourront aussi y croiser Nyle Johnston, Ryan Besito et Neil Polson qui, comme M. Sicks, sont des artistes dans l’âme ayant de l’expérience en travail social. Le salon de tatouage leur sert de galerie d’art où ils exposent leurs œuvres illustrant la culture des Premières Nations. Plus qu’une boutique, l’endroit constitue un lieu de rencontre et d’échange où tous sont les bienvenus. Les Autochtones peuvent y renouer avec leur héritage et, au besoin, se faire référer à organismes et à des services spécialisés s’ils demandent conseil à ce propos.
L’oiseau-tonnerre (Thunderbird), un animal mythique des récits traditionnels, côtoie les plumes, les tortues, etc., parmi les motifs les plus demandés. Mais Toby Sicks peut faire bien plus que des dessins inspirés des Premières Nations. Il n’en tient qu’au client à exprimer ce qu’il lui convient.
M. Sicks invite les artistes autochtones à venir exposer leurs œuvres d’art dans son commerce, l’idée étant d’offrir le maximum de visibilité à toutes initiatives susceptibles de mieux faire connaître ces peuples à l’histoire et à la culture plusieurs fois millénaires. Parmi les clients qui s’arrêteront à sa boutique, certains repartiront donc avec une œuvre sous le bras, d’autres sur le bras, mais tous contribueront à une meilleure compréhension de ceux qui ont précédé les Européens en Amérique.