Portant la Loi sur les services en français (Loi 8) à travers le processus législatif, il a garanti aux citoyens francophones des régions désignées le droit d’être servis dans leur langue. Son œuvre a profondément influencé le respect et la reconnaissance du français au sein des institutions provinciales

Christiane Beaupré

L’Ontario français perd l’un de ses plus grands défenseurs. Bernard Grandmaître, ancien ministre provincial et principal artisan de la Loi sur les services en français, est décédé le 28 octobre 2025, à l’âge de 92 ans. Figure marquante de la francophonie ontarienne, il laisse un héritage durable dans la reconnaissance du français au sein des institutions publiques de la province.

Né à Eastview, aujourd’hui Vanier, le 24 juin 1933, Bernard Grandmaître s’est d’abord illustré en politique municipale. Conseiller, puis maire de Vanier, il s’est fait connaître pour son écoute et son attachement à la vitalité de la communauté francophone de la région d’Ottawa. Son passage à la mairie a été marqué par une volonté d’assurer à ses concitoyens un cadre de vie à la fois moderne et respectueux de leur culture.

Élu député libéral d’Ottawa-Est en 1984, il rejoint le gouvernement de David Peterson et devient ministre délégué aux Affaires francophones. C’est à ce titre qu’il présente en 1986 le projet de loi 8, une législation majeure destinée à garantir aux citoyens francophones l’accès à des services gouvernementaux dans leur langue. La Loi sur les services en français, adoptée à l’unanimité et entrée en vigueur en 1989, établit l’obligation pour la province d’offrir des services en français dans les régions désignées. Elle consacre également la reconnaissance officielle de la contribution historique et culturelle des francophones à la société ontarienne.

Pour Bernard Grandmaître, cette loi ne représentait pas une faveur accordée à une minorité, mais un principe fondamental d’égalité. Il voyait dans le bilinguisme institutionnel un moyen de renforcer la cohésion et le respect mutuel entre les citoyens. Grâce à son leadership calme et déterminé, il a su rallier ses collègues à une vision inclusive de l’Ontario, où le français pouvait s’épanouir pleinement aux côtés de l’anglais.

Au fil de ses mandats, il a aussi occupé les postes de ministre du Revenu et des Affaires municipales. Son parcours politique s’est distingué par la constance de son engagement envers le service public et la défense des valeurs d’équité. Lorsqu’il prend sa retraite de la vie politique en 1999, il laisse derrière lui une œuvre législative qui a façonné le quotidien de milliers de francophones.

Depuis, son nom demeure associé à plusieurs distinctions et initiatives dans la région d’Ottawa. Le centre communautaire Bernard-Grandmaître, notamment, perpétue son souvenir et son attachement à la vie culturelle et sociale francophone. Son héritage se mesure aussi à la continuité des services en français qu’il a contribué à institutionnaliser, ainsi qu’à la fierté renouvelée des francophones de l’Ontario à faire entendre leur voix.

Bernard Grandmaître restera dans la mémoire collective comme un homme de conviction, discret mais déterminé, dont l’action a profondément marqué l’histoire contemporaine de l’Ontario. Sa disparition rappelle le chemin parcouru depuis l’adoption de la Loi 8, mais aussi la responsabilité de préserver, pour les générations futures, la place du français au cœur de la vie publique provinciale.

Photo (Archive Le Métropolitain) : Bernard Grandmaître