Pour le deuxième rendez-vous de Chansongs, de la série Montréal à Toronto organisée conjointement avec l’Alliance française, le Conservatoire royal de Toronto recevait Benoît Leblanc et Soozi Schlanger pour une soirée folk aux couleurs cajun.
Accompagnés de l’excellent Tony Quarrington à la guitare, sorte d’ours à la patte de velours, les deux artistes ont emmené le public, plus de deux heures durant, dans un voyage vers la Louisiane, leur terre de prédilection. Débutant par un traditionnel cajun, la chaleur du bayou s’invite immédiatement sur la rue Bloor, contrastant avec l’abondante neige tombant à gros flocons. Suit Laura là-bas de Benoît Leblanc, triste histoire d’un amour impossible entre un jeune noir éperdu d’une femme cruelle et inaccessible, ladite Laura. Dans un créole du XIXe siècle, Benoît Leblanc chante la tristesse avec brio, le violon de Soozi Schlanger venant accentuer le côté plaintif, écho d’un pauvre bougre pétri d’un amour impossible. La chanteuse torontoise enchaîne avec Burning Sun, complainte de l’Amérique profonde, l’occasion pour Tony Quarrington de relever le « one chord challenge » (dixit Soozi) à la manière d’un Billy Childish. Dans un style proche d’Alela Diane, Soozi fait vibrer l’assistance.
Lors de la première partie, retenons encore 676653, l’histoire du vélo de Soozi et Neon Cross, véritable road-trip nocturne éclairé par les enseignes des motels et un Jésus sur une croix en néon.
Après un (très) long entracte, le spectacle reprend sur l’histoire de Wendy et Peter Pan devenus grands, chantée a capella par Soozi Schlanger. Parallèle étrange entre Wendy/Peter et Soozy/Benoît, adultes espiègles qui s’amusent avec les mots comme des enfants avec leurs jouets. Les mots sont d’ailleurs au coeur de leur art, les deux artistes expliquant que, même s’ils ont besoin des deux, les mots passent avant la musique. Au-delà même de leur signification, c’est la sonorité du vocabulaire qui possède quelque chose de magique pour Benoît et Soozi. Benoît Leblanc rendra encore hommage à une de ses principales influences, Félix Leclerc, en reprenant Tirelou avec un petit twist country, et au poète Rudeboeuf avant de conclure sur Marie-Claire et son piano rappelant le Wild Horses des Rolling Stones.
La rencontre entre « l’accordéoniste et la poupée russe », comme les a judicieusement présentés Dominique Denis, instigateur de cette série, confirme le succès de Chansongs. Prochain rendez-vous : le 19 avril pour une rencontre entre Martin Léon et Lily Frost.
Photo : Benoît Leblanc