Au début de cette année de pandémie fatidique, l’industrie du cannabis ne faisait pas bonne mine. Depuis la légalisation à l’automne 2018, les modifications incessantes aux restrictions et aux réglementations des centres de distribution ont chamboulé les opérations. En 2019, la surproduction suite à l’hystérie de la nouvelle loi canadienne en conjonction avec un déploiement lent des magasins distributeurs ont contribué à une baisse de revenu au sein du marché légal. Quelque 200 entreprises de cannabis se partageaient des ventes annuelles d’environ un milliard de dollars.
Des compagnies telles que Canopy Growth, Hexo et Beleave ont débuté l’année 2020 avec espoir suite à la décision du gouvernement Ford d’ouvrir le marché de la vente en magasin. L’Ontario adopte l’approche d’un marché libre et retire l’utilisation restrictive du système de loterie.
Puis, la pandémie frappe et le secteur du cannabis s’accroît de 18 % au pays, selon Statistique Canada. Aucune autre industrie n’a autant progressé pendant la crise du coronavirus.
Au centre-ville de Toronto, les distributeurs, tous aussi différents les uns que les autres, abondent autant que les cafés typiques de chaque coin de rue. Le nombre croissant de magasins transforme l’expérience de l’achat du cannabis en banalité luxurieuse et abordable. Les distributeurs proposent un lieu accueillant, accessible et qui colle aux tendances esthétiques du moment.
L’efficacité est l’un des points forts de la vente au détail. Que le magasin soit ouvert au public ou non, en raison des restrictions sanitaires, le client peut facilement commander à la fenêtre d’accueil. La transaction peut se faire aussi rapidement qu’en cinq minutes.
C’est la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario (CAJO) qui autorise et supervise l’ouverture des compagnies de cannabis. Au début, la CAJO permettait 20 magasins de vente au détail autorisés (AMVD) par mois. En septembre, ce nombre est passé à 40 et, au début du mois de décembre, le gouvernement a encore doublé le nombre, soit 80 AMVD par mois. Sur le site, la CAJO inclut une carte interactive des succursales de cannabis proposées et autorisées en Ontario.
Tandis que les confinements liés à la pandémie ont anéanti les relations sociales, la population restreinte à la maison se tourne vers d’autres activités pour tuer le temps – jeux vidéo, télévision et, bien sûr, usage récréatif du cannabis – et les trois sont à la hausse depuis le mois de mars.
Dans un rapport publié en août, la Transform Drug Policy Foundation – dont le siège social est situé au Royaume-Uni, prévient qu’il faut se méfier de cette « ruée vers l’or vert ». Les investisseurs puissants peuvent influencer les politiques publiques comme le font l’alcool et le tabac. D’ailleurs les compagnies de tabac et d’alcool investissent de plus en plus dans le cannabis. Le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances mentionne que le secteur privé opère en quête de profits et non en fonction de l’intérêt des communautés et de la santé publique, il faut donc rester vigilant à cet égard.
Les lobbyistes, quant à eux, jouent un rôle important dans l’évolution du commerce du cannabis. Ils sont très efficaces, et ceux gèrent la cause du cannabis, connaissent bien la justice canadienne. George Smitherman, lobbyiste de l’industrie du cannabis au fédéral, est d’ailleurs l’ancien vice-premier ministre de l’Ontario.
Un développement intéressant entraîné par la COVID est l’intérêt poussé de l’utilisation médicale du cannabis. Les professionnels de la santé se penchent sur la question du cannabis médical pour contrer le coronavirus. Il faut préciser que ces recherches n’en sont qu’à leurs débuts et utilisent le cannabis riche en CBD (cannabidiol) et faible en THC (principal ingrédient psychoactif), le contraire de la drogue à usage récréatif qui se retrouve sur le marché.
SOURCE – Élodie Dorsel