Il y a les discours, parfois convenus, émoussés, à force d’être répétés, parfois sincères et touchants. Et il y a la réalité. Et elle n’est pas toujours rose. C’est ce décalage qui frappait, à l’ouverture de la Semaine de l’immigration francophone, qui a eu lieu le lundi 3 novembre dans l’auditorium du Collège Boréal. 

Les discours, ce sont ceux de Léonie Tchatat, directrice de La Passerelle, organisme d’aide aux migrants, de Bululu Kabatakaka, directeur des programmes postsecondaires et de l’intégration au Collège Boréal, de François Boileau, commissaire aux services en français, et d’Alain Dobi, président du Réseau de soutien à l’immigration francophone (RSIF). 

La réalité, ce sont ces quelques phrases, jetées d’une voix mal assurée par Aminata Fadiga. Mme Fadiga n’est pas habituée à parler en public, contrairement aux autres orateurs qui se sont succédé sur scène. Elle a raconté comme elle l’a pu une petite facette de son histoire. Pour obtenir plus de détails, il a fallu la chercher jusque dans les couloirs du Collège Boréal. Dès la cérémonie terminée, elle s’était éclipsée, sans avoir eu le réflexe de venir poser pour la photo de groupe qui clôt habituellement ce genre d’activités.

Au Canada depuis 2001, elle tente de faire venir son fils depuis à peu près autant de temps. Originaire de Guinée-Conakry, pays dans lequel le Canada n’a que simplement un consul honoraire, elle a dû l’envoyer en Côte d’Ivoire pour pouvoir faire des démarches pour le faire venir. Mais le dossier traîne, et son fils vieillit. Il a maintenant 22 ans et les services d’immigration du Canada ont répondu qu’il avait l’âge de se débrouiller tout seul. « Mais qu’il ait 18 ans, 22 ans ou 30 ans, ça m’est égal, dit-elle. C’est toujours mon fils! »

Voilà, c’est une histoire très simple qui se raconte en quelques lignes. L’histoire d’une vie. L’histoire d’une séparation entre une mère et son fils. L’histoire d’un fonctionnaire qui restera pour toujours anonyme qui a décidé qu’à 22 ans, on pouvait vivre dans un pays qui nous était inconnu, seul, loin de sa mère. 

Que dire d’autre sur le lancement de cette semaine? François Boileau a rappelé quelques statistiques édifiantes. Un francophone sur deux à Toronto est né en dehors du Canada. La nouvelle définition de la francophonie adoptée en 2009 sous son action a permis d’intégrer 50 000 francophones de plus. (Un exemple est celui d’une famille congolaise qui parle le swahili et le français à la maison. Elle est maintenant considérée comme francophone.) M. Boileau a également rappelé que les 611 500 francophones de la province font partie d’une communauté plus large de 220 millions de francophones dans le monde, dont près de 100 millions vivent en Afrique. Une population franco-africaine qui est amenée à prendre de plus en plus d’importance, jusqu’à constituer 85 % des 700 millions de francophones prévus en 2050. Bref, le futur de la francophonie ontarienne passe en partie par l’Afrique.

Léonie Tchatat a rendu un hommage à Aminata Fadiga. « Je vous demande une pensée pour les immigrants, dit-elle. Nous sommes encore bien loin de l’intégration totale des immigrants. Il reste encore beaucoup de défis. » Et plus tard, en entrevue : « C’est le moment de dire les choses. Il y a encore du chemin à faire. »

Quant au programme de cette Semaine de l’immigration francophone, il offre à Toronto une « caravane du Réseau », dans les écoles françaises. Le Maroc, en tant que pays francophone, est mis à l’honneur. Une discussion sur le parcours d’immigration, une table ronde et une conférence, qui ont eu lieu la semaine dernière. Et étrangement, un atelier sur l’alimentation saine et un autre sur la recherche d’emplois. En fait, il s’agit d’ateliers qui sont donnés régulièrement par le Centre francophone tout au long de l’année. Pourquoi figurent-ils dans ce programme? « Nos partenaires ont choisi de se placer dans les cadres de la semaine, il s’agit de multiplier les plateformes », d’après les employés du RSIF. Et plus concrètement? « Ces ateliers ont lieu toute l’année, mais cette semaine, la Semaine de l’immigration francophone sera mentionnée. »

Photo : De gauche à droite : Bululu Kabatakaka, Léonie Tchatat, François Boileau, Gisèle Queneville (maîtresse de cérémonie) et Alain Dobi