Quand vient le temps d’examiner les relations franco-canadiennes, un certain nombre d’évidences font rapidement surface. L’analyse n’est pas non plus sans faire ressortir des idées reçues, voire même des clichés comme le soulignait M. Zeller, ambassadeur de France au Canada, lors de sa récente visite au Club canadien de Toronto le mardi 24 septembre. Ce sont précisément de ces derniers que les deux pays essaient de se débarrasser, un effort ayant pour objectif d’injecter un nouveau souffle dans un partenariat qui existe depuis longtemps.

Le Canada et la France trouvent bien évidemment la source leur relation privilégiée dans l’histoire. M. Zeller faisait d’ailleurs remarquer que si l’ambassade de France et la résidence du premier ministre canadien à Ottawa sont voisines, cela n’a rien d’un concours de circonstances. Cette proximité, instaurée dès l’installation du premier ambassadeur français au Canada en 1935, reflète bien les relations particulières qu’entretiennent les deux pays. Si la participation du Canada à la libération de la France lors des deux guerres mondiales vient naturellement à l’esprit, on retrouve encore aujourd’hui les deux pays rangés du même côté dans les conflits actuels. M. Zeller citait notamment le soutien politique et logistique du Canada à la France lors de l’intervention de l’armée française au Mali comme un récent indicateur que les deux pays partagent toujours la même vision globale du monde.

Les échanges culturels, linguistiques et touristiques entre  le Canada et la France sont aujourd’hui légion. M. Zeller mentionnait à titre d’exemple que pas moins de 38 000 demandes de Permis Vacances-Travail émanant de jeunes Français sont en attente à l’ambassade canadienne à Paris. Environ un demi-million de touristes canadiens visitent la France chaque année, 700 000 Français effectuent un séjour dans le sens inverse. Près de 10 % de la programmation au Festival du film international de Toronto provient de la France. Bon nombre d’universités canadiennes et françaises ont passé des accords au niveau des thèses.

M. Zeller hésite à employer le terme « vieux couple » pour désigner la relation entre Paris et Ottawa, chose que Lawrence Cannon, son homologue canadien à Paris, se plaît à faire. Il reconnaît cependant qu’il convient de sortir des sentiers battus. Sur ce plan, il semblerait que les idées reçues aient la vie plus dure de l’autre côté de l’Atlantique qu’ici. 

Selon M. Zeller, les Français ont encore la fâcheuse habitude de voir « un gros Québec » lorsqu’ils posent leur regard sur le Canada. Pour beaucoup, le Manitoba ou la Saskatchewan restent des contrées aux noms exotiques et la Colombie-Britannique terra incognita. Comment alors convaincre les dignitaires français de ne pas se cantonner à Québec, Montréal et Ottawa lorsqu’ils visitent notre pays?

Pour beaucoup de Français, le Canada demeure un pays doté de grands espaces, de magnifiques paysages et d’un climat rude. Les Français n’ont pas non plus saisi l’ampleur des changements démographiques qu’a connus le Canada ces dernières années. Certains sont surpris de découvrir que le Canada ne puise plus depuis longtemps dans le seul bassin européen pour trouver des immigrants. La montée du Canada en importance dans la hiérarchie politique et économique mondiale prend par surprise d’autres. Le Canada n’est plus qu’un simple spectateur sur la scène mondiale, pourvoyeur de temps à autre de casques bleus quand un conflit se déclare. Aujourd’hui, le Canada est un acteur à part entière, intervient dans les zones de conflit, fait partie du G20 et demeure le seul pays qui ait peu maintenir sa notation financière Triple AAA en Amérique.

M. Zeller confiait donc au Club canadien de Toronto que la France va devoir adopter une vision du Canada qui aille aussi au-delà du Québec. Outre qu’à Montréal et Québec, la France possède désormais des consulats à Moncton, Toronto, Calgary et Vancouver. Parmi les quelque 550 entreprises qui investissent au Canada, un bon nombre d’entre elles exercent leurs activités dans l’Ouest. À ce titre, la France figure à la 7e place en tant qu’investisseur au Canada. De son côté, la France est le huitième client du Canada. Lors de sa récente visite au Canada en mars dernier, Jean-Marc Ayrault est venu à Toronto, une première pour un premier ministre français.

Pour beaucoup de Torontois, un signe révélateur de ce renouveau dans les relations entre la France et le Canada serait que le président Hollande fasse un petit tour par la Ville reine lors de son prochain voyage officiel au Canada en 2014.

Photo : Philippe Zeller, ambassadeur de France au Canada