On se serait cru en plein cœur de la tour de Babylone, le mardi 25 novembre, au théâtre de l’Alliance française, où l’on entendait parler espagnol, hébreu, français, arabe ou anglais avant que le groupe Gerineldo ne fasse son entrée sur scène. Différentes communautés de Toronto se sont mélangées pour venir écouter les chansons traditionnelles judéo-espagnoles du Maroc performées par le groupe. 

Le groupe Gerineldo a été créé en 1981 à Montréal afin de préserver, diffuser et promouvoir le patrimoine de ces chansons traditionnelles marocaines, judéo-espagnoles. C’est Oro Anahory-Librowicz, la directrice du groupe, qui a rassemblé plusieurs musiciens aux talents variés dont Solly Lévy, Judith Cohen et sa fille Tamar Ilana. 

Gerineldo est le nom d’un chant traditionnel ou « ballade » qui raconte l’histoire d’un amour interdit entre un valet et une princesse. Le roi, père de la princesse, avait le choix de tuer l’un d’eux après avoir appris leur liaison, mais décide finalement de les épargner et de les marier. La directrice du groupe déclare d’ailleurs : « Nous souhaitons que la chance de Gerineldo nous suive! ». 

L’ensemble musical s’est produit un peu partout dans le monde y compris le Canada, le Venezuela, les États-Unis, Israël, l’Espagne et la France. Après une césure de 20 ans, les membres de la formation ont décidé de se réunir à la demande des Journées du judaïsme marocain à Paris. Ils ont alors élargi leur répertoire musical à des chants traditionnels sépharades de la Turquie et des Balkans ainsi que des contes traditionnels sépharades. 

Née à Tanger au Maroc, Oro Anahory-Librowicz explique qu’ils ont « décidé de créer cet ensemble musical parce qu’il y a plein de groupes qui interprètent ces chants sans jamais avoir entendu les femmes porteuses de la tradition ». Ce que Gerineldo souhaite, c’est faire découvrir la « vraie tradition authentique », celle qui s’est transmise pendant cinq siècles de génération en génération, depuis que les Juifs ont été expulsés d’Espagne en 1492. 

C’est au son du luth arabe joué par Demetrios Petsalakis et appuyé de Judith Cohen et Tamar Ilana aux percussions, vielle et à la flûte, que le groupe a repris ensemble ces chants traditionnels, qui traitent souvent d’histoires d’amour interdites, de chansons de mariage, ou poèmes sur la vie et « qui tournent en général autour du thème de la réconciliation », confie la directrice. 

Le premier morceau intitulé La novia destrenza el pelo (La mariée défait sa chevelure) est une chanson de mariage dans laquelle il est dit « la mariée défait ses cheveux, et le marié s’évanouit ». « C’était la belle époque », ironise Judith Cohen. La majorité des chants sont chantés en espagnol ou en hébreu avec parfois quelques mots d’arabe, et même un morceau en français, chantés en solo, duo ou en cœur par les quatre membres du groupe. Enfin, Tamar Ilana, a pu montrer ses talents de chanteuse avec certains chants a capella et enchanter l’œil des spectateurs avec quelques pas de flamenco.

Le concert a été suivi d’un cocktail au cours duquel les spectateurs se bousculaient pour goûter aux spécialités marocaines offertes et s’essayer aux dessins à l’henné sur les mains avec le jeune Noam Sienna, qui prépare une thèse sur les traditions juives du henné. Une belle performance et partage culturel d’un groupe en harmonie avec son public, et qui respecte les traditions judéo-espagnoles du Maroc telles qu’elles ont été transmises. 

Photo : Le groupe Gerineldo