Sur le calendrier, le Festival du vin de glace du Niagara est le premier volet d’une série de trois mais logiquement, il devrait être considéré comme celui qui vient boucler la boucle. Après le Festival des vendanges de juin et le Festival du vin de septembre, le Festival du vin de glace de janvier met la touche finale à cette célébration étape par étape des vins de la Péninsule. Cette fois, et jusqu’au 27 janvier, ce sont les produits issus des vendanges hivernales qui sont à l’honneur. En effet, ce n’est qu’après avoir attendu qu’elles gèlent sur les vignes que les grappes destinées à cette production sont récoltées. Le pressage de raisins gelés permet d’obtenir ces renommés vins de glace, qui se caractérisent par un arôme naturellement riche et sucré.
Nombreux sont les mets et boissons ayant droit à leur festival. Les consommateurs y trouvent évidemment leur compte, tout comme les villes et régions dont le nom est immanquablement accolé à ces agapes, mais aussi les artisans et agriculteurs, eux qui sont les premiers bénéficiaires de l’agrotourisme.
La chose est d’autant plus importante pour l’industrie du vin de glace, dont la production n’est pas une sinécure. En épargnant une partie de sa vigne pendant plusieurs mois pour sa cuvée de vin de glace, le vigneron prend le risque de l’exposer aux intempéries, à la pourriture et à la voracité des oiseaux. Ce n’est que lorsque la température descend sous la barre des -8 °C que la récolte et le pressage commence, généralement de nuit, soit avant que le soleil ne vienne réchauffer la vigne. La cueillette des grappes se fait le plus souvent à la main, ce qui ajoute aux difficultés de ce délicat processus.
Le temps et le risque investis dans cette production ne sont pas les seuls facteurs responsables du coût élevé des vins de glace. Le faible rendement des raisins soumis à ce traitement est une autre raison importante : il faut près de sept fois plus de raisins pour produire un vin de glace qu’un vin conventionnel. La nature même d’un vin de glace rend inévitable une telle disparité : en pressant les raisins gelés, les cristaux de glace sont retenus dans le pressoir avec la pulpe de sorte que le jus sucré, qui lui gèle à une température plus basse, se trouve à être concentré pour donner à ce vin toute sa particularité.
Outre l’aspect ludique, le vin est aussi une affaire de commerce. Avec 65 % des vignobles enregistrés à la Vintners Quality Alliance de l’Ontario (un organisme chargé de contrôler les vins d’appellation dans la province), il est aisé de comprendre pourquoi la région du Niagara met sa production vinicole en vedette. L’Ontario se classe aussi première au Canada dans la production de vins de glace. Au cours des ans, les produits vinicoles ontariens se sont taillé une réputation enviable dans le monde, avec les augmentations de revenus que cela sous-entend. À titre d’exemple, de tous les pays importateurs de vins de glace canadiens, la palme de la croissance de la valeur des achats revient à la France avec une augmentation de 1096,5 % entre 2008 et 2011. En valeur absolu, le géant chinois représente cependant l’importateur le plus important, même si la pénétration du marché s’y fait à un rythme plus lent.
Selon Paul-André Bosc, du vignoble Château des Charmes à Niagara-on-the-Lake, et ancien président (2008-2012) de la Canadian Vintners Association, la croissance des ventes en dents de scie d’un pays à l’autre est largement tributaire de la situation économique interne de ces pays. Les particularités de la production du vin de glace est aussi un frein aux ventes : « On est au milieu de janvier et on n’a pas commencé la récolte », illustre M. Bosc en parlant des caprices climatiques auxquels la récolte hivernale doit se soumettre. Autre facteur limitatif : le prix. « C’est un produit de luxe et en général, ces produits ont un marché limité », poursuit Paul-André Bosc.
Les fins palais du monde entier ne pourront profiter en masse du Festival du vin de glace du Niagara. La population de la Péninsule est cependant aux premières loges pour explorer l’univers de ce nectar hivernal qui contribue à faire connaître la région à l’étranger.