Qualifiant elle-même son rapport «d’historique», la commissaire Burke martèle tout au long des 48 pages l’importance pour les Franco-Ontariens d’avoir accès à des services en français «équivalents et sans délai».

«Sans [cela], nous érodons la confiance de la population envers la qualité des services en français», mentionne-t-elle lors de sa présentation du rapport.

Placée sous le bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, Paul Dubé, la commissaire cible dans cet ouvrage les défaillances du système.

Des chiffres éloquents

Entre le 1er mai 2019 et le 30 septembre 2020, 431 plaintes ont été reçues en 18 mois, dont 25 % entre avril et septembre de cette année.

La pandémie a montré certains ratés en matière de services en français. Le ministère de la Santé fait d’ailleurs partie des cinq organisations les plus souvent visées par les plaintes, après le secrétariat au Conseil des ministres, mais devant les ministères du Solliciteur général, du Procureur général et des Transports.

La commissaire explique qu’elle a reçu de nombreuses plaintes sur les points de presse uniquement en anglais, alors que le premier ministre Ford était accompagné du médecin hygiéniste en chef de l’Ontario.

« Les plaignant(e)s nous ont expliqué qu’ils ressentaient que le gouvernement leur manquait de respect parce qu’il représentait uniquement les anglophones de la province. Les plaignant(e)s nous ont aussi dit qu’ils s’inquiétaient du fait que des consignes à respecter concernant la santé de tous et toutes soient émises en anglais uniquement. »

D’autres ont même mentionné suivre les points de presse du gouvernement du Québec et celui du Canada pour avoir des informations en français.

Dans les faits saillants du rapport, la commissaire souligne en 18 points de quelles manières l’Unité des services en français s’est activée.

Les exemples vont du site Web du Centre régional de santé de North Bay, qui affichait ses avis concernant la COVID-19 en anglais seulement, aux centres de Test au Volant qui se sont engagés à s’assurer que des services en français soient offerts, en passant par la LCBO, qui affirme vouloir renforcer la formation de ses employés saisonniers et offrir des services en français dans certaines succursales, même en l’absence d’employés bilingues.

Un rapport reçu positivement…

Mais pour qu’il y ait des services en français, il faut de la planification au sein des ministères. C’est l’une des recommandations du rapport.

Le président de l’Assemblée de la francophonie ontarienne (AFO), Carol Jolin, abonde dans le même sens : « La planification fait partie de nos priorités à l’AFO, avec notamment la reddition de comptes. »

Le terme « s’engager » mentionné par nombre d’organismes gouvernementaux visés dans le rapport de la commissaire ne veut pas nécessairement dire que les services en français seront vraiment offerts. Mais pour Carol Jolin, le fait que Mme Burke ait été proactive est tout de même un pas dans la bonne direction.

Même son de cloche du côté de Jacinthe Desaulniers, présidente-directrice générale du Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario (RSSFE), qui remercie «la commissaire Kelly Burke d’avoir soulevé la question des services en français au sein des bureaux de santé locaux».

Pour Mme Desaulniers, « en cette période de crise sanitaire, les communications en français demeurent essentielles au bien-être et à la sécurité de notre communauté ». Elle ajoute du même souffle que «malheureusement, les francophones n’ont pas toujours accès aux services dont ils ont besoin dans leur langue.

…Ou presque

Dans une entrevue avec le journal Le Voyageur que l’IJL a pu écouter, le député néodémocrate Guy Bourgouin, de la circonscription de Mushkegowuk—Baie James, déplore que le rapport de la commissaire ne soit pas signé de sa main, mais plutôt de celle de l’Ombudsman Paul Dubé.

À ses yeux, c’est un signe qu’elle a, quelque part, les mains liées.

Cependant, le porte-parole de l’opposition en affaires francophones ne va pas jusqu’à jeter la pierre à la commissaire et ne remet pas en question sa compétence et son intégrité.

Résumant le document, M. Bourgouin mentionne que «son rapport dit que le français n’est pas une priorité pour le gouvernement Ford. Ça n’a pas surpris personne. »

Il relève également que le document souligne le manque de planification en matière de français et « qu’il y a de grosses lacunes par rapport à la COVID et aux services en français. »

En fin de compte, le député trouve que le rapport « reflète exactement ce qu’il en est ».

Une fin d’année optimiste

Le rapport de la commissaire cite une lettre que lui a adressée le premier ministre Doug Ford en avril, où il écrit que « les francophones de l’Ontario ont le droit de recevoir des services de communication en français, équivalents à ceux offerts en anglais. Ceci est d’autant plus pertinent en cette période de crise ».

Après le douloureux épisode en 2018 du sabordement — temporaire — de l’Université de l’Ontario français, y aurait-il un changement de ton?

Carol Jolin dit maintenant «qu’on a fait beaucoup de chemin depuis la résistance». Il salue au passage le travail de la ministre Mulroney, reconnaissant que «le dossier de l’université était énorme» et que Mme Mulroney a fait cheminer la francophonie ontarienne au sein du conseil des ministres.

Selon le président de l’AFO, le rapport de la commissaire va dans cette direction. C’est d’ailleurs elle qui mentionne qu’en matière du français en Ontario, il faut «viser l’excellence et non le simple minimum».

SOURCE – André Magny, Initiative de journalisme local – APF – Ontario

PHOTO (Crédit : Unité des services en français – Ombudsman de l’Ontario) – La Commissaire Kelly Burke en conférence de presse, présentant son premier rapport sur les services en français en Ontario.