Jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour être à la mode? Seriez-vous prêt à être empoisonné, voir même à mourir? Beaucoup répondront que non, et pourtant certains vêtements fabriqués sont nocifs pour la santé et ça ne date pas d’hier.
Dans sa conférence donnée à l’Alliance française, le mercredi 11 avril, et intitulée « De la couturière à la consommatrice : les victimes de la mode du vêtement », Alison Matthews David, historienne et professeure associée à la School of Fashion de l’Université Ryerson dresse un portrait peu reluisant de l’industrie de la mode. Et l’expression, « il faut souffrir pour être belle » y trouve tout son sens.
Certaines matières textiles sont très mauvaises pour la santé. En 1778, le chimiste Scheele inventa un vert à base d’arsenic et de cuivre. Dans cette époque grise et un peu terne de la révolution industrielle, cette couleur vive connut un grand succès mais pour le pire. Les robes des femmes en vert « émeraude » (ou vert de Paris, aussi appelé vert perroquet) étaient donc composées de substances toxiques pour la santé.
D’autres produits de l’époque contenaient également de l’arsenic, comme les coiffes portées par les femmes. Sur ces coiffes se trouvaient des feuilles vertes. Pour arriver à ce résultat, les fleuristes saupoudraient de la poudre d’arsenic et de cuivre. Les ouvriers, les couturières comme les clientes s’intoxiquaient donc.
« Je les appelle les fleurs du mal », souligne l’historienne, et ce en référence au recueil de Baudelaire. C’est pour cette raison que Coco Chanel, créatrice de la Maison de haute couture Chanel ne mettait jamais de vert dans ces collections. Aujourd’hui encore, les « petites mains » – couturières de maisons de luxe – restent superstitieuses. Chez Chanel, le vert est encore peu usité.
Autre époque et autre mode aux effets dévastateurs : les peignes en écaille qui ont fait fureur dans les années 1820. L’écaille de tortue a été rapidement remplacée par du celluloïd, un matériau hautement inflammable qui a causé la mort de certaines femmes qui le portaient.
Même chose avec le tulle, inventé en France. Ce tissu a remporté les faveurs de toutes les femmes de la haute société. L’impératrice d’Autriche Sissi, elle-même, en raffolait. Seul problème au tulle? Avec toutes les lampes à gaz posées sur le sol, les robes des femmes prenaient feu. La ballerine Emma Livry en a fait les frais. Lors d’une répétition, le 15 novembre 1862, son tutu en tulle prit feu. Brûlée gravement lors de cet accident, elle décéda huit mois plus tard.
Ça, c’était il y a longtemps. De nos jours, les techniques et les procédés se sont modernisés. Tout est plus sûr, croyiez-vous? Eh bien pas du tout. Certaines teintures par exemple sont très nocives pour la santé. Du sable est utilisé pour obtenir le résultat vieilli des jeans délavés notamment. Ce même sable a causé la mort de certains ouvriers qui travaillaient sur ses vêtements.
Le consommateur est aussi affecté par ces teintures nocives qui peuvent créer des cancers. L’industrie de la mode n’a donc pas changé malgré les techniques avancées. La couturière ou l’ouvrier qui fabrique des vêtements n’est pas le seul touché, le consommateur l’est aussi. Depuis quelques années, des « marques responsables » fleurissent à travers le monde. C’est une solution, mais ça ne devrait pas être la seule et l’industrie de la mode devrait peut-être songer à réagir et arrêter d’empoisonner, d’intoxiquer les travailleurs et les clients.
PHOTO : Alison Matthews David, historienne