« Vas-y, si tu as la chance d’y aller », voilà ce que répondirent les parents de Stanley Lilavois à leur fils lorsqu’il leur annonça qu’il allait partir pour les États-Unis. 

En proie à la corruption et à l’instabilité politique, l’île offrait des perspectives d’avenir limitées pour un jeune homme instruit et ambitieux. Comme beaucoup de ses compatriotes, Stanley résolut donc de faire le saut vers les côtes de la Floride, une tête de pont en Amérique du Nord pour un bon nombre de Caribéens. Peu à peu, Stanley se rendit compte que Miami n’était pas l’Eldorado qu’il avait envisagé. S’il parlait anglais et créole quotidiennement, le français lui manquait cependant. Cette langue que l’on parle à l’école en Haïti lui collait toujours à la peau. Miami, ville en partie peuplée de retraités, ne correspondait pas non plus à ce qu’il recherchait. 

Prochaine escale pour ce jeune homme enclin à l’aventure : Toronto. Un voyage précédent à Montréal et des rencontres avec des Canadiens à Miami l’avaient mis en appétit pour le Canada. 

Et là ce fut le déclic. Il sentit tout de suite l’énergie de la ville et la diversité des cultures qui y cohabitent. Le fait d’entendre du français dans la rue lui mit la puce à l’oreille : il existe bien une communauté francophone à Toronto, même si celle-ci est relativement petite. 

Le Centre francophone fut sa première balise, lieu où il suivit des séances d’information destinées aux nouveaux arrivants. Entreprenant de nature, Stanley décida rapidement de créer sa propre affaire. Après avoir constaté que de nombreux drapeaux haïtiens flottaient au sein du défilé de Caribana, cet élan ne semblait pas déboucher sur d’autres activités le reste de l’année. Regrouper les gens et créer des opportunités, voilà le projet auquel Stanley allait s’atteler. Unleashed Legacies venait de naître. 

Un premier concert, qui rassembla 400 personnes au Crown Plaza avec en vedette le célèbre musicien Michel Martelly, devenu aujourd’hui président d’Haïti, connut un grand succès. Encouragé par cette première tentative, Stanley se mit à organiser d’autres concerts et des activités communautaires telles qu’une foire d’orientation et un concours de poésie dans les écoles catholiques à l’occasion de la fête des Mères. Lors du terrible tremblement de terre qui frappa Haïti en janvier 2010, Unleashed Legacies parvint à envoyer 150 tentes pour abriter les sans-abris à Port-au-Prince. 

Stanley Lilavois estime qu’il doit beaucoup à Toronto. Selon lui, la ville lui a ouvert l’esprit aux autres cultures et à la diversité de la francophonie. Il admire les autres Haïtiens qui se sont forgé une place au Canada. L’académicien Dany Laferrière et le maire d’Amos, Ulrick Chérubin, constituent pour lui des guides d’intégration. 

« Aujourd’hui, ce n’est qu’une question de choisir. Le défi n’est plus là », affirme-t-il alors qu’il s’apprête à se rendre à son prochain rendez-vous d’affaires. 

Stanley n’oublie cependant pas le pays qu’il a laissé derrière lui. Tous les ans, il s’y rend pour passer du temps en famille. Il pense qu’Haïti est trop souvent présenté comme un pays qui a besoin tout le temps d’aide. Or, l’île possède en fait beaucoup de richesses. Grâce à sa culture, ses plages et son climat, il fait aussi bon vivre en Haïti. Haïti n’est pas seulement des bidonvilles, c’est aussi une classe moyenne qui vit bien. Il aimerait pouvoir plus partager avec les Haïtiens ce qu’il a appris au Canada.

« Je suis ici et je vais y rester », affirme-t-il sans hésitation. Stanley Lilavois a parcouru beaucoup de chemin depuis cet échange avec ses parents il y a maintenant 15 ans.

Photo : Stanley Lilavois