Certains argueront que la pandémie n’est pas terminée mais, à ce point-ci, il n’est pas déraisonnable d’en faire le bilan et d’en tirer de nécessaires conclusions. C’est à cet exercice que l’École de technologie supérieure conviait le public à qui fut offerte, en ligne, une conférence sur le sujet.

Les deux intervenants étaient bien au fait du domaine. Ainsi, François Audet est professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal et de l’Observatoire canadien sur les crises et de l’action humanitaire. Quant à Lynda Rey, elle est professeure adjointe à l’École nationale d’administration publique.

C’est M. Audet qui, le premier, s’est adressé à l’assistance pour parler de la méthodologie de l’évaluation du risque. Celui-ci existe sous diverses formes (géopolitique, sociale, économique, sécuritaire, etc.) et son degré de gravité est estimé à partir de deux axes : le niveau de menace et le niveau de vulnérabilité. Un calcul de probabilité entre alors en jeu pour peaufiner l’analyse.

François Audet est ensuite entré dans le vif du sujet : la menace pandémique. Il est important, selon lui, d’évaluer le contexte et, dans ce cas-ci, il est par définition global. Cela augmente d’autant plus le risque, car les conditions d’éclosion d’un virus et de sa propagation se retrouvent aux quatre coins du globe. On n’a qu’à penser au fait que 50 % de la population mondiale n’a pas accès à des services de santé de base, que 100 millions de personnes n’ont accès à aucun soin, que 4,5 milliards de personnes sont privées d’installations sanitaires, etc.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est l’outil qui a été créé, entre autres, pour faire face à ce type de situation. Or, son financement est très limité considérant ses responsabilités et provient de sources disparates. Plusieurs doutent de son indépendance et ces suspicions ont été renforcées au cours de l’hiver 2020 alors que l’organisme a attendu étrangement longtemps avant de déclarer l’état de pandémie mondiale.

M. Audet ne jette cependant pas l’entièreté du blâme sur l’OMS. Les tentatives de dissimulation du régime chinois et le peu d’importance accordée aux informations colligées par les services de renseignement ont érodé les capacités de réponse des pays industrialisés.

« Les grandes capitales étaient au fait de cette menace et on n’a rien fait », a résumé François Audet.

Lynda Rey a abondé dans le même sens au début de son segment : « Ce qui s’est passé, c’est que l’OMS n’est pas une entité autonome et il y a eu beaucoup de tractations ». Des gouvernements ont voulu cacher leurs responsabilités, d’autres ont cherché à ne pas apeurer la population, bref, le manque de transparence a joué un rôle dans le déroulement des événements.

Or, selon elle, le travail de sensibilisation à ce type de risque avait déjà été fait. Elle a cité en exemple un extrait d’un rapport de l’OMS datant de septembre 2019 qui alertait la planète quant au manque de préparation face à un éventuel virus qui viendrait perturber en profondeur l’économie mondiale.

Cela dit, l’OMS a perdu de son lustre et n’est plus tellement en contrôle en ce qui concerne les initiatives touchant à la santé à l’échelle du monde.

Cela ne veut pas dire que rien ne se fait plus. Mme Rey a entre autres évoqué le cas des nouveaux réseaux d’apprentissage en ce qui touche à la recherche. Aussi, de nouveaux partenariats mondiaux en santé sont nés, au budget important mais dont l’efficacité reste à prouver.

Même ce qui a été présenté comme le nerf de la guerre de la pandémie, la vaccination, a donné naissance à de nouvelles structures. Lynda Rey a ainsi longuement parlé de COVAX, dont le mandat est de faciliter, sur le plan financier, l’accès aux vaccins dans les pays en développement.

Mme Rey a également déploré, au cours de son intervention, le peu de multilatéralisme des pays au cours de la pandémie et la focalisation trop grande des systèmes de santé du tiers-monde sur la COVID, qui a fait en sorte que les autres problèmes de santé ont été négligés.

Cette conférence ne constituait pas la première analyse de la pandémie et il ne s’agira certes pas de la dernière. Reste à savoir si cela permettra aux décideurs publics d’être mieux préparés à l’émergence d’un nouveau virus.

PHOTO – François Audet