Elle avait un joli nom, Sandy, surtout pour un ouragan. Cependant, elle était mortelle. D’Haïti à New York, elle a apporté la destruction et des scènes apocalyptiques. À Toronto, quelques arbres sont tombés en ce lundi soir et dehors, c’était un petit enfer humide. Pluies, bourrasques. Une hécatombe pour les parapluies, un cauchemar pour les coiffures. Un temps à ne pas mettre un chien dehors.

Pourtant, au bar Supermarket, au cœur du marché Kensington, et plus précisément dans son arrière salle, une trentaine de braves ont défié les éléments. Certains s’étaient même déguisés, comme Arianne Matte, chapeau victorien et robe médiévale, curieux, mais poétique mélange. Ce qui motivait cette ferveur téméraire? Cette bravache inconscience? Une bande d’Improbables. Et que faisaient-ils quand le vent déchirait les arbres, décornait les bœufs et glaçait le sang et les os? Ils improvisaient, au calme. Comme d’habitude.

L’improvisation est une discipline théâtrale créée dans les années 1970. Il s’agit d’un match entre deux équipes. Un match consiste en plusieurs exercices, seul, en groupe, équipe par équipe ou mixte. Ces dix dernières années, son succès est phénoménal. L’imagination et la créativité jouent à plein, pour inventer de petites histoires, des situations comiques. Pour faire rire, les Improbables sont des champions.

L’engouement autour de cette ligue d’improvisation ne se dément pas, alors qu’elle entame sa seconde année. Toujours composée de trois équipes, elles-mêmes composées essentiellement de Québécois d’origine, de quelques Acadiens et de Français. En attendant les autres groupes, elle draine du monde, et en dit long sur notre société.

Ceux qui en parlent le mieux, ce sont les improvisateurs eux-mêmes. Thomas Gallezot est comédien et l’un des plus brillants Improbables. En plus de ses activités professionnelles, il anime des ateliers d’improvisation. Pour lui, l’improvisation est « un château de cartes qui s’écroule en permanence, c’est jouissif, rythmé et spectaculaire ». Cependant, il concède qu’il est également intéressant de construire une oeuvre, ce que l’improvisation permet difficilement. »

Renée-Claude, 19 ans, est parmi les plus jeunes des Improbables. « Il y a quelque chose de magique dans l’improvisation. On fait une histoire à partir de rien. On utilise nos ressources, notre imagination. Alors que dans la vie, on ne l’utilise presque pas, insiste-t-elle. C’est une performance éphémère, alors que tout reste, dans la vie. On ne fait jamais deux fois la même impro. On construit quelque chose de personnel, et on oublie vite. »

Quant à Aurélia Peynet, elle aussi irréductible Improbable, lance : « Et c’est moins plate que le yoga! » Et il y a du vrai. L’improvisation rapproche les gens, fait rire et détend. Ce qui manque à nos sociétés stressantes, tristes et qui séparent les gens.

Photo : L’engouement autour de cette ligue d’improvisation ne se dément pas.