On raconte que, fou de rage en apprenant que son collègue maçon Diabolos s’apprenait à fuir avec sa promise, Reznikoff tenta de le frapper avec une hache. Heureusement pour Diabolos mais malheureusement pour la porte, Rezniloff manqua son coup. Depuis, une grande entaille dans une porte à University College témoigne de cet incident qui se serait soi-disant déroulé lors de la construction de l’édifice au milieu du XIXe siècle.

Ce genre d’anecdote croustillante livrée par Chantal Smieliauskas et Marianne Belloir, guides pour la Société d’histoire de Toronto, ne manqua pas d’apporter du piment à la récente visite du campus St-George de l’Université de Toronto.

Si Toronto est aujourd’hui multiculturelle, l’Université de Toronto fut quant à elle « multi-architecturale » avant la lettre. Le style roman s’allie pêle-mêle avec l’art architectural italianisant, Second Empire, néo-géorgien, Beaux-arts et néo-gothique collégial. Bon nombre d’édifices comportent aussi en leur sein des éléments de plusieurs styles.

Cette variété architecturale est apparente sitôt l’entrée principale du campus franchie alors qu’on se tient au centre du King’s College Circle, un vaste espace vert situé au beau milieu du campus. On est d’abord frappé par l’élégance et la sobriété de University College, un bâtiment massif de style roman normand aux formes géométriques simples, agrémenté çà et là de petites sculptures, de grotesques et d’arcades aveugles. On retrouve d’ailleurs ce même style dans la plupart des campus universitaires de Grande-Bretagne et du Common-wealth.

À gauche se dresse le Convocation Hall, édifice de style Beaux-Arts coiffé d’un dôme qui fait penser à celui de l’amphithéâtre de la Sorbonne à Paris. C’est là que chaque année les étudiants reçoivent leur diplôme de façon solennelle. 

Au fond à droite, on aperçoit Hart House, un magnifique spécimen d’art néo-gothique comme on en trouve aussi à Oxford ou Cambridge. La cinquantaine de participants à la visite apprirent que Hart House est non seulement faite en pierre mais qu’elle possède également une ossature en acier et que certaines des pierres sont en fait des blocs de ciment pré-moulés. Espace récréatif réservé exclusivement aux hommes jusqu’en 1972, Hart House est aujourd’hui un lieu de rencontre accessible à tous. L’interminable liste de noms de soldats gravés sous le porche de la Tour des soldats de Hart House rappelle qu’un grand nombre d’étudiants périrent durant les deux guerres mondiales.

On reste toujours dans l’art néo-gothique en se présentant devant Trinity College. Fort mécontent de voir l’université devenir une institution séculière, John Strachan fonda en 1851 un collège anglican et de pure tradition anglaise où selon lui Dieu devait reprendre ses droits. La cour intérieure ou « Quadrant » ainsi que la chapelle de style gothique constituent deux merveilleux havres de paix. La grande salle nommée « Strachan Hall » semble sortir tout droit d’un roman d’Harry Potter.

En ce qui concerne Wycliffe College et le Newman Centre, on passe alors au style néo-roman de Richardson et néo Reine Anne. Construits en brique rouge, ces deux bâtiments sont plus trapus et massifs. Whitney Hall représente quant à lui un bel exemple de style néo-géorgien. Simple, fonctionnel et toutefois élégant, cet édifice fut érigé pour servir de résidence aux étudiantes.

À quelques pas de là, Macdonald-Mowat House verse cette fois dans le style italianisant et Second Empire. Cette élégante villa à l’italienne abrita deux personnes de renom : Sir John A. Macdonald et Sir Oliver Mowat, respectivement premier ministre du Canada et premier ministre de l’Ontario. Un peu plus loin, le style gothique collégial nord-américain du Knox College se démarque avec sa masse imposante. Colonnes et voûtes lui donnent une impression de splendeur.

Les édifices Rosebrugh et Terrence Donnelly montrent qu’aujourd’hui encore l’Université de Toronto ne craint pas de juxtaposer des styles d’architecture différents au sein d’un même bâtiment. Curieusement, l’ancien s’imbrique avec le moderne. La brique et la pierre se marient avec le verre. Rien de plus naturel que des bâtiments consacrés aux sciences appliquées et à la fine pointe de la recherche médicale soient aussi avant-gardistes.

En visitant le campus de l’Université de Toronto, le promeneur passe en revue un si grand nombre de styles d’architecture qu’il a un peu l’impression de déambuler à travers un musée en plein air.

Pour plus de renseignements au sujet des visites guidées de la Société d’histoire de Toronto : www.sht.ca.

Photo : Les participants à la visite guidée de la Société d’histoire de Toronto.