Dans le cadre de la Semaine internationale de la francophonie et de Cinéfranco, le Club canadien conviait ses membres à son déjeuner d’affaires le mardi 24 mars pour y entendre Anne-Marie Rocher, la productrice-réalisatrice de Productions Testa.

Anne-Marie Rocher se retrouve au cœur des combats juridiques actuels avec sa série de trois heures intitulée Droit comme un F qui sera diffusée sur TFO l’automne prochain. Elle a parcouru le Canada pour témoigner des rudes batailles que des parents francophones mènent pour défendre leurs droits scolaires, parfois au prix de grands sacrifices.

À souligner la présence des membres de sa famille à cette conférence, sa sœur Isabelle qui habite au Nunavik et son père le sociologue Guy Rocher de Montréal. Guy Rocher est le « doyen » actuel de la sociologie au Québec. Professeur titulaire au Département de sociologie de l’Université de Montréal et chercheur au Centre de recherche en droit public, cet intellectuel et homme d’action a construit, depuis 50 ans, une œuvre majeure qui a d’ailleurs inspiré sa fille Anne-Marie. « Il a été un grand modèle pour moi par son engagement social et son sens des valeurs collectives », dit-elle.

D’entrée de jeu, Mme Rocher a remercié Marcelle Lean, directrice artistique et fondatrice de Cinéfranco, commanditaire de l’événement, pour l’invitation à parler au Club canadien. « J’ai eu la chance de parcourir le pays au printemps et à l’automne dernier pour une série que je réalise avec Dominic Desjardins, producteur exécutif à l’ONF. Cette série a pour sujet l’histoire des grandes causes linguistiques dans le domaine scolaire en francophonie canadienne depuis 30 ans. »

Elle a rappelé la mise en place du fameux article 23 qui, en 1982, donnait le droit aux minorités d’obtenir leurs écoles et leur éducation en français, et qui a été inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés. « Depuis ce temps, les francophones de certaines provinces ont dû recourir aux tribunaux pour forcer leur gouvernement à leur accorder les écoles auxquelles ils ont droit, raconte la conférencière. Certaines causes se sont rendues jusqu’en Cour suprême du Canada et ont marqué leur époque. On peut citer la Cause Mahé en Alberta en 1990, ou la Cause Doucet Boudreau en Nouvelle-Écosse en 2003. Jusqu’à maintenant, toutes les causes ont été gagnées et la Cour suprême a été généreuse en accordant beaucoup aux minorités francophones. »

Depuis 1990, lorsque les francophones ont obtenu la gestion scolaire grâce à la cause Mahé en Alberta, 627 écoles ont été créées hors Québec et 31 conseils scolaires ont vu le jour. « Comme cinéaste, je me suis intéressée à ceux qui se sont investis dans ces causes en consacrant 8 à 10 ans de leur vie, parfois au prix de grands sacrifices. Ce sont généralement des parents qui l’ont fait pour leurs enfants et qui ne savaient pas toujours dans quoi ils s’embarquaient. Ils ont parfois été ostracisés par leur propre communauté, ont perdu un emploi, vécu un divorce ou subi des menaces de mort. Dans certains cas, leurs enfants ont été la cible de raillerie et ont souffert à l’école à cause de l’engagement de leurs parents. Et parce que les causes sont tellement longues, ces parents ne verront pas leurs propres enfants profiter de leur bataille mais seulement les générations futures. Et cela, ça fait mal. »

Mme Rocher a par la suite présenté sur écran géant le témoignage de deux parents impliqués dans les causes, l’une en Nouvelle-Écosse et l’autre au Yukon. Ces extraits feront partie des deux premières émissions diffusées l’automne prochain. En deuxième partie de son allocution, elle a abordé l’aspect culturel en cette Semaine de la francophonie et du fait que l’école française, en milieu minoritaire, est un lieu rassembleur pour les communautés. « On y constate aussi que l’école utilise beaucoup les médias, la TV, les sites Web, les films produits dans la communauté comme outils de renforcement identitaire pour les jeunes. D’où l’importance d’avoir des artisans, des réalisateurs, producteurs, scénaristes en provenance de ces communautés qui peuvent produire des œuvres à l’image de leur société », conclut la productrice.

Photo: Anne-Marie Rocher (2e de gauche) en compagnie de sa soeur Isabelle, son père, le sociologue Guy Rocher, et sa conjointe.