Réunis dans l’auditorium Father Madden de l’Université de Toronto, 80 personnes environ attendaient l’entrée en scène des quatre enfants terribles de la littérature à contrainte. Ainsi, les adeptes de divertissement cérébral particulier ont eu tout loisir de s’exercer à la construction et aux détournements de textes pendant près de deux heures, dans la soirée du mercredi 11 février.
Organisée par l’organisme L’écriture en mouvement, cette rencontre avait pour but d’inciter tous les intéressés à jongler avec les mots en utilisant le procédé dit Oulipo (Ouvroir, Littérature, Potentiel). Plusieurs écrivains « oulipiens » avaient effectué le déplacement pour l’occasion : Michèle Audin, Paul Fournel, Ian Monk ainsi qu’Hervé Le Tellier. Des plumes contemporaines originales qui ont toutes accepté de prendre part à l’expérience. Line Boily, connue pour son émission L’heure de pointe, animait cette soirée : « Il y a de la fébrilité autour des 24 heures du roman », annonce-t-elle, en rappelant que cette soirée est avant tout une mise en bouche du fameux évènement ferroviaire et littéraire. Les 24 heures du roman compteront en effet comme l’une des actualités littéraires majeures de cette année et regroupera de nombreux écrivains afin qu’ils réalisent une histoire commune sur le trajet Halifax-Toronto. Prévu pour le 23 octobre 2015, ce périple des temps modernes retracera les premiers pas de Samuel de Champlain, à l’occasion du 400e anniversaire de la présence francophone en Ontario. Une occasion heureuse que les intervenants ont longuement soulignée lors de leurs interventions respectives.
Le ton est bon enfant, et ça taquine à tout va. Des figures de la communauté française de Toronto, tel le consul général de France Jean-François Casabonne Masonnave, sont venues présenter leur soutien moral et parfois financier au projet, avant que les « jeux » ne commencent. Les orateurs se sont alors présentés tour à tour au public avec des écrits particuliers. Mme Audin s’est élancée la première avec un lipogramme en « e », c’est-à-dire un texte qui ne contient pas la lettre « e ». Ce fut ensuite au tour du britannique Ian Monk sur l’opposition jeunes/vieux, avec un humour cru mais néanmoins subtil. Un conte à choix multiples déroulant une version revisitée du Petit Chaperon rouge a suivi. Les spectateurs y jouaient un rôle prépondérant puisqu’ils devaient indiquer au narrateur la direction à prendre.
Les profanes ont pu découvrir ces divertissements peu communs avec le sourire aux lèvres, tandis que les plus aguerris voyaient là l’occasion de parfaire leur savoir, quand bien même les « exercices » offerts avaient pour eux un air de déjà-entendu. Mais la littérature, ça creuse. Une fois les têtes repues, ce fut au tour des estomacs. La foule s’est alors dirigée vers le buffet pour pouvoir échanger traits d’esprit et autres saillies drolatiques entre deux collations, sous le regard satisfait de l’organisatrice de l’évènement et directrice générale de L’écriture en mouvement, Anne Forrest-Wilson.
Un moment d’échange prometteur, qui a eu le don de redynamiser la scène littéraire francophone torontoise en lui laissant entrevoir une fin d’année pleine de rebondissements, toujours à la mémoire du célèbre explorateur français Samuel de Champlain.
Photo : Des écrivains « oulipiens ». De gauche à droite : Michèle Audin, Ian Monk, Paul Fournel et Hervé Le Tellier