La création d’un ministère des Affaires francophone à part entière et le prochain dépôt de projet de loi – avant le printemps 2018 – à l’Assemblée législative actant la création d’une université francophone à Toronto constituent indéniablement de grandes avancées dans la prise en compte des besoins des francophones en Ontario.
Ces progrès majeurs, réalisés alors que se profilent les élections provinciales en juin prochain, ne doivent cependant pas masquer les nombreuses attentes qui émanent encore de la communauté qui célèbre, le 25 septembre, le Jour des Franco-Ontariens, reconnaissant officiellement sa contribution à la vie culturelle, historique, sociale, économique et politique de la province.
Le commissaire aux services en français, Me François Boileau – qui a reçu plus de 300 plaintes en 2017-2018 – plaide pour toujours une réforme de la Loi 8 sur les services en français. « J’ai proposé d’inclure l’offre active permettant d’obtenir des services sans les demander et d’éliminer les régions désignées pour n’en avoir qu’une seule, l’Ontario. Je n’ai pas senti de volonté du gouvernement en ce sens. »
L’accès aux soins demeure également préoccupant. « On a laissé les entités de planification naviguer seules sans directive, rappelle le commissaire. Il a fallu travailler davantage pour les guider car, si elles disposent des bons outils, elles manquent souvent d’information et de ressources. On y est presque : le ministère vient de rendre publique une série de modifications au règlement que l’on espère voir s’appliquer début 2018. »
En matière d’éducation, l’inscription des nouveaux arrivants francophones, non-ayant-droits, est désormais facilitée mais le manque de places et d’infrastructures persiste dans plusieurs régions, comme Kingston ou encore les Beaches, à Toronto, où les parents d’élèves en appellent à la justice. « C’est un travail permanent de sensibilisation envers le gouvernement », affirme Me Boileau qui place désormais dans sa ligne de mire les écoles d’immersion et l’efficacité de leur programme d’apprentissage du français.
L’accès à la justice est aussi un épineux dossier qui progresse lentement. Le projet pilote mené au palais de justice d’Ottawa pour une justice plus fluide a envoyé un bon signal. « Le procureur général s’est engagé à ce que les évaluations soient rendues publiques. Elles vont servir de base de travail », indique François Boileau qui n’attend pas une généralisation du jour au lendemain dans tous les tribunaux. « Entre Windsor et Ottawa, on ne peut pas obtenir un même niveau de services mais on peut aller vers une prise en charge automatique des démarches traitables technologiquement. On va pousser le ministère dans cette direction avec la mise sur pied d’un comité permanent sur l’accès à la justice en français ».
Le commissaire lorgne également du côté des tribunaux administratifs. « Le gouvernement recourt de plus en plus à des tribunaux spécialisés qui prennent décisions importantes pour les clients francophones, souvent mécontents des services rendus dans leur langue. Certains font bon travail, d’autres non. On va enquêter. »
La province s’est dotée de sa première stratégie d’immigration en 2016, un domaine jusqu’alors du ressort du fédéral. L’Ontario a cependant toutes les peines du monde à atteindre son ambitieuse cible fixée à 5% pas respectée. « Les nouveaux programmes qui ont été créés vont dans la bonne direction : 2018 sera une année de résultats », observe le commissaire qui encourage les citoyens à lui adresser leurs plaintes. « C’est notre lien direct avec les citoyens. C’est aussi une des meilleures façons d’être mis au courant d’un dysfonctionnement, qui ouvre la voie à une enquête. »
La lente conquête du « plus et mieux » de services en français ne connaît aucun répit en Ontario.
Photo : Me François Boileau aux commandes du Commissariat aux services en français depuis 10 ans.