Derrière les briques rouges du quartier de la Distillerie de Toronto, le printemps étale sa palette de couleurs et de rêveries à la Galerie Thompson Landry qui abrite, du 18 mai au 4 juin, les œuvres des Québécoises Dominique Fortin et Danielle Lanteigne, à l’occasion de l’exposition intitulée « Printemps éternel ».
La dessinatrice Dominique Fortin explore, avec esthétique et philosophie, les êtres à travers un filtre intime et mystérieux qui change notre perception de l’humanité, des animaux, des idées et des émotions. Un monde fantasmé, utopique, tantôt statique, tantôt en mouvement, où le bonheur, l’équilibre, l’enfance, la fidélité ou encore l’éternité sont revisités, parfois sous plusieurs angles, comme pour mieux en saisir les multiples facettes. Sa représentation des oiseaux et des papillons en est l’exemple le plus frappant. Symbolisant l’amour et le cycle de la vie, leur mouvement suggère la non-maîtrise. Ils nous échappent et c’est tant mieux.
Oiseaux, cerfs, ours, loups, chevaux… Parfois geôliers, souvent guides, les animaux sont des sujets récurrents qui illustrent la complexité et l’inconnu, lorsqu’ils sont associés à la féminité. L’artiste montréalaise suscite la curiosité  en insérant régulièrement le même visage dans ses tableaux, en fait celui de sa fille, dont les traits doux et le regard fixe semblent être porteurs d’un message qui évolue au fil des œuvres. Focalisant son attention sur le premier plan, Dominique Fortin dénoue le fil de l’âme humaine, associe le corps et l’esprit, l’intérieur et l’extérieur, décortique l’union, la métamorphose et la renaissance pour ouvrir un espace de réflexion sur nous-mêmes.
De personnage, il n’en est pas question avec Danielle Lanteigne. L’artiste peint des fleurs, des plantes et des fruits. La singularité de son œuvre réside dans son travail sur les lignes verticales. Elle étire, déforme, agrandit la réalité, sans jamais rompre avec le réalisme. Tordues, rectilignes, grandes, petites, ses fleurs poussent, cherchent le soleil, la vie, l’après… dans un environnement souvent neutre. Ce contraste entre l’organique dans sa verticalité aux couleurs vives et le géométrique sans perspective aux tons froids fait triompher le cycle sur le socle, le mouvement sur l’immobile, la vie sur la mort. Le coup de pinceau et de crayon de Danielle Lanteigne est efficace, va à l’essentiel. Les crocus se réveillent, les citrons sont acidulés, les iris s’irisent, l’orchidée s’agrippe, les tulipes se libèrent…
L’hymne à la nature et au printemps raisonne bientôt dans la Galerie Thompson-Landry.

Illustrations : Grand bleu de Dominique Fortin et Crocus de Danielle Lanteigne.