Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO au même titre que le Vieux-Québec, ce piton mythique et rocheux, coiffé d’une abbaye vieille de plus d’un siècle, se languit depuis belle lurette au beau milieu d’une immense baie sablonneuse. La mer, qui revient à la « vitesse d’un cheval au galop » comme on a coutume de le dire dans la région, a bien de la peine en de rares occasions à venir lécher le pied de ses remparts.
« Le Couesnon en sa folie a mis le Mont en Normandie », affirme un vieux dicton du coin, expliquant de la sorte comment cette petite rivière, au cours capricieux qui sépare la Bretagne de la Normandie, plaça le Mont-Saint-Michel à l’est de son embouchure. Il n’y a donc aujourd’hui aucun doute possible, ce site exceptionnel visité par 2,5 millions de touristes chaque année se situe bel et bien en Normandie.
Rien n’y fit, pas même les efforts des plus grandes marées d’Europe ni les eaux du Couesnon ne semblaient pouvoir empêcher l’envasement de la baie et mettre à mal l’attrait du site. Selon les experts, la situation était urgente puisqu’ils estimaient que si rien n’était fait, le Mont-Saint-Michel ne verrait plus la mer dès 2040.
L’envasement du lit du Couesnon n’est pas un phénomène nouveau. Tout au long des siècles, il a déposé des quantités importantes de sédiments pour finir par envaser la baie toute entière.
« Le Mont-Saint-Michel n’a toutefois jamais été véritablement une île, même il y a 200 ou 300 ans », tient à souligner Claire Montemont, attachée de presse du Syndicat mixte Baie du Mont-Saint-Michel. Elle explique que le Mont a cependant perdu au fil des ans son caractère maritime. Aujourd’hui, le visiteur ne constate plus vraiment l’alternance des marées. Seules les grandes marées à très fort coefficient pourraient à la rigueur permettre à la mer de l’encercler, si toutefois la route d’accès aménagée à la fin du XIXe siècle n’entravait pas son passage.
En 1995, les autorités locales, nationales et européennes résolurent de remédier au problème. Un barrage fut construit sur le Couesnon en 2009 afin d’effectuer régulièrement des puissants lâchés d’eau qui, combinés avec la force hydraulique de la marée descendante, devraient parvenir à chasser le sable amoncelé dans la baie pour le pousser vers le large. Le Couesnon changera alors son cours au gré des marées comme il le faisait autrefois, effectuant un travail de balayage pour désenclaver le Mont des sables.
« On va donner en fait un petit coup de pouce à la nature, explique Claire Montemont. Nous devons rester prudents et ne pas en faire trop au risque d’abîmer un écosystème très fragile. Nous pouvons déjà constater des effets positifs sur la végétation marine de la baie. »
De plus, on effectue actuellement un curage du lit de la rivière en amont afin d’augmenter son débit. Le parc de stationnement et la route vont être détruits en 2015 et remplacés par une passerelle surélevée, permettant ainsi à la mer d’encercler le Mont. Les visiteurs doivent dès cet été utiliser une navette ou marcher pour se rendre jusqu’au rocher. On estime que ces mesures devraient permettre au Mont-Saint-Michel de mieux ressentir le rythme de la mer dès 2025.
Quand vous vous rendez au Mont-Saint-Michel, vous prenez la pleine mesure du cachet exceptionnel de cet endroit qui se situe encore parmi les sites les plus visités de France. La vue de cette haute pyramide de granite située à la rencontre de la terre et de la mer, entourée par les grèves et les sables mouvants, laisse le visiteur admiratif. On y voit souvent des moutons paître dans les champs présalés au fond de la baie.
Le Mont est également un haut lieu historique et spirituel. Après la construction d’un sanctuaire dédié à l’archange saint Michel en 709, le Mont allait devenir tour à tour, une petite église romane, une place forte qui résista aux Anglais durant la guerre de Cent Ans, un lieu de pèlerinage, une abbaye de style gothique bâtie sur le toit de l’église d’origine, pour finir par servir de prison à partir de la Révolution française.
Claire Montemont s’empresse toutefois d’ajouter : « Peu de chance que le Couesnon remette le Mont en Bretagne! ». Il faut bien avouer qu’il ne le fut peut-être jamais. La statue de l’archange saint Michel qui trône en haut de la flèche au sommet du Mont rappelle comme le dit la légende que Saint Michel, patron de la Normandie, n’hésita pas à terrasser Satan pour la protéger. On peut donc aisément imaginer qu’il ne laissera pas le Mont changer de camp!
En attendant, le Mont retrouvera bientôt pendant quelques heures durant l’année le silence profond de la mer. En s’y rendant, le visiteur pourra alors mieux saisir le sens de son vrai nom : Le Mont-Saint-Michel au péril de la mer.
Pour une visite au Mont-Saint-Michel, consultez : www.accueilmontsaintmichel.com
Photo : Le Mont-Saint-Michel, entouré par les sables et les champs présalés