L’Alliance française a accueilli le vendredi 10 mai le conteur François Lavallée pour une soirée intime, une veillée de contes, au fil de la voix d’un artiste exceptionnel.
Assez étrangement, on sous-estime l’importance des contes et du conteur. Les avancées technologiques ont rendu obsolètes certaines fonctions des conteurs, comme l’information. On pensait que la télévision, le cinéma et peut-être la généralisation de l’écriture feraient disparaître la fiction orale. Il n’en est rien, les conteurs sont toujours là.
Des artistes comme François Lavallée montrent aussi que les contes ne sont pas uniquement pour les enfants. Si nos chères têtes blondes savent s’émerveiller plus facilement que les adultes, si leur imagination court parfois plus vite et plus loin, les contes sont autant pour les enfants de tous âges.
François Lavallée est Québécois jusqu’au bout de ses expressions, prononcées d’une voix grave et un peu cassée. Il vient d’un petit village près de la frontière américaine, au fin fond des bois. Un village où ses ancêtres ont bâti maison et fait leur vie. Un village où, de génération en génération, au coin du feu, on écoutait le conteur, entre deux chansons, jusqu’à tard dans la nuit. Des histoires à rallonge, à tiroir, et à piston. Des histoires dans lesquelles le faible finit par l’emporter sur le fort. Des histoires où le riche propriétaire se fait berner par son pauvre fermier locataire. Au point qu’il finit par tuer femme et enfants, avant de se jeter dans la rivière par cupidité. Ou comment le conte servait de réceptacle aux tensions sociales.
Des histoires de talent, des histoires de cœur et de fleurs. Des histoires de magie, d’ingéniosité où le diable s’en mêle. Avec ses cornes, son odeur de soufre et sa mauvaise humeur, il est forcément pour quelque chose dans le succès que rencontrent les couteaux du bonhomme Richard qui font sa renommée dans toute l’Amérique. Mais ce que le diable donne d’une main, il peut très bien le reprendre au centuple de l’autre. Pris dans son engrenage maléfique, que vont bien pouvoir faire le bonhomme Richard et ses fils, dont l’un est si ivrogne, paraît-il, qu’il vole le vin de messe pour se saouler derrière l’église?
Bref, François Lavallée raconte un temps où l’on ne parlait pas d’ « agriculteur », ni de « gestionnaire agricole », mais de fermier. Un temps où le surnaturel vous sautait au visage à la sortie du village. « Le temps passe plus vite, avec les contes », répète François Lavallée. Les ellipses sont faciles et bienvenues. Et surtout, une heure et demie à écouter le conteur passe le temps d’un clin d’œil de loup-garou.
Photo : François Lavallée