Un atelier organisé dans le cadre du congrès annuel de l’AFO a réuni une trentaine de participants pour réfléchir aux services en français en Ontario. Les discussions ont permis de dresser un portrait des inégalités, d’identifier des priorités et de proposer des pistes concrètes pour l’avenir.

Chrismène Dorme – IJL

Réunis autour du thème « Accessibilité, visibilité et complétude : infrastructures et services en français », une trentaine de francophones ont participé à un atelier d’échanges animé par Benoit Hubert, président de PGF Consultants, dans le cadre du Congrès annuel 2025 de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

L’exercice, à la fois réflexion collective et tour de table participatif, visait à approfondir la compréhension des enjeux liés à l’offre de services en français et à dégager des pistes de transformation pour les années à venir.

Dès l’ouverture, Benoit Hubert a dressé un constat lucide de la situation actuelle : une demande croissante pour des services francophones dans plusieurs secteurs clés. « On sait que les besoins sont là, mais trop souvent, les gens ne savent pas où aller pour obtenir des services dans leur langue », a expliqué M. Hubert.

Selon un sondage mené auprès de plus de 2200 francophones de la province, 53 % estiment que les services en français se font de plus en plus rares. Les cinq principaux besoins identifiés incluent les soins de santé, les services de psychologie, les activités sportives ainsi que les programmes culturels et artistiques pour enfants.

Les discussions ont mis en évidence de fortes inégalités régionales, notamment dans le domaine de la santé. Si certaines zones bénéficient d’une offre de services francophones, d’autres accusent un retard considérable.

« À Cambridge, par exemple, il y a un besoin criant d’orthophonistes francophones. C’est un service essentiel qui n’est tout simplement pas disponible en français », a déploré Angèle Lacroix, du Centre communautaire francophone local.

La faible visibilité des ressources existantes accentue ces écarts : 39 % des répondants affirment ne pas connaître les organismes responsables des services en français. Malgré les initiatives communautaires qui ont développé des répertoires, des plateformes web ou encore des programmes d’accès santé; les efforts demeurent insuffisants pour assurer une véritable complétude des services.

L’atelier a aussi mis en lumière les enjeux identitaires qui accompagnent ces défis de services. Laurie Laviolette, élève de L’Académie de la Seigneurie, a partagé une expérience marquante : « On me traite souvent de « Frenchie ». Les jeunes ont parfois honte de parler français parce qu’ils se font corriger ou juger pour leur accent. »

Plusieurs parents ont confirmé ce constat et insisté sur l’importance de maintenir les enfants dans le système scolaire francophone, non seulement pour préserver la langue, mais aussi pour renforcer la confiance linguistique des jeunes.

L’idée d’une éducation continue en français et d’une province plus ouverte au bilinguisme, à l’image du Nouveau-Brunswick, a fait consensus, mais plusieurs ont reconnu que cela nécessiterait des décisions politiques courageuses.

Certaines interventions ont aussi dénoncé la complexité du système de désignation des services en français. Une participante venue de Hamilton a souligné que, bien que sa ville soit officiellement désignée, elle n’a pas accès à certains services du Centre de santé communautaire, car elle ne fait pas partie des groupes prioritaires. « C’est paradoxal, on nous dit que le service est offert en français, mais sur le terrain, on ne peut pas toujours y accéder », a-t-elle confirmé.

D’autres personnes ont relevé le chevauchement entre organismes, souvent en concurrence plutôt qu’en collaboration, ce qui entraîne une perte d’efficacité et une confusion chez les usagers. Pour plusieurs, ces constats ravivent un sentiment de lassitude. Marthe Dumont de Santé Ontario a rappelé que ces discussions ne datent pas d’hier : « En 2003, l’étude Préparez le terrain parlait déjà d’une francophonie forte et durable. Vingt ans plus tard, on est toujours à discuter des mêmes problèmes ».

À la fin de l’atelier, chaque table a consigné par écrit ses idées, en vue d’alimenter un plan de transformation pour l’année à venir. Les participants se sont engagés à identifier les « questions épineuses » qui guideront les travaux futurs, notamment la durabilité des infrastructures et la pérennité des services.

« Notre objectif n’est pas seulement de constater les problèmes, mais de tracer ensemble les solutions durables », a conclu Benoit Hubert.

Entre espoir, fatigue et volonté d’agir, cette rencontre aura permis de raviver une conviction partagée : pour que la francophonie ontarienne s’épanouisse, il faut que les services en français soient non seulement offerts, mais connus, accessibles et ancrés dans la durée.

Photo : À l’une des tables, chaque personne donne son avis (Crédit Chrismène Dorme)