Lia Lévesque
Plusieurs institutions fédérales ne prennent tout simplement pas au sérieux leurs obligations en matière linguistique. Dans son dernier rapport, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, parle carrément d’« institutions récalcitrantes ».
« Cette problématique suggère que les institutions récalcitrantes n’acceptent pas la prémisse qu’elles doivent servir les membres des deux communautés linguistiques dans la langue officielle de leur choix », juge-t-il.
En conférence de presse, le mardi 7 mai à Ottawa, il n’a pas identifié ces institutions récalcitrantes. Il a refusé d’y voir un manque de volonté, mais il a parlé de l’exemple que doit donner la haute direction des institutions et à quel point celle-ci doit être consciente de ses obligations face aux deux langues officielles.
Plaintes
Par ailleurs, le nombre de plaintes jugées recevables a diminué de moitié entre les exercices 2022-2023 et 2023-2024, passant de 1788 à 847. Il est trop tôt, dit M. Théberge, pour juger s’il s’agit d’une tendance de fond.
« Une chose est sûre : cette diminution ne signifie pas qu’il faut lever le pied de l’accélérateur, au contraire. Nous devons poursuivre sur cette lancée, nous appuyer sur les progrès réalisés jusqu’à présent, afin de produire des changements concrets, durables et assurer l’avenir de nos deux langues officielles, d’un bout à l’autre du pays. »
Il faut dire que certaines années récentes avaient connu des sommets en termes de nombre de plaintes, notamment à cause du discours uniquement en anglais du grand patron d’Air Canada à Montréal et de la nomination de la gouverneure générale, qui ne parle pas français, soit l’une des deux langues officielles du Canada, a souligné M. Théberge.
Cette année, Air Canada a vu le nombre de plaintes la visant diminuer de 276 à 130 Toutefois, le transporteur continue d’être l’institution fédérale qui génère le plus de plaintes, a-t-il noté.
Le domaine qui reçoit le plus grand nombre de plaintes est celui des communications avec le public, soit la langue de service. Des 847 plaintes jugées recevables en 2023-2024, 533 avaient trait à la langue de service. Ensuite, c’est la langue de travail qui a suscité le plus grand nombre de plaintes, soit 227 des 847. L’année précédente, 207 plaintes avaient été jugées recevables pour ce motif.
« Cette année, on a eu un nombre plus important de plaintes en ce qui a trait à la langue de travail. Donc, c’est non seulement le public voyageur, mais aussi des institutions au sein de l’appareil fédéral qui ont des défis en termes d’accommoder des employés pour utiliser les deux langues officielles », a déploré le commissaire Théberge.
Il conclut donc que « la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais, comme prescrit par la partie VII de la Loi, reste un enjeu de taille ».
Minorités francophones
Réagissant au rapport du commissaire, la Fédération des communautés francophones et acadienne a déploré que les outils conçus pour donner plus de pouvoir au commissaire n’aient pas encore été mis en oeuvre, malgré la répétition des problèmes vécus.
« Le commissaire fait mention des nouveaux pouvoirs que lui donne la Loi pour exiger que les institutions fédérales se plient à leurs obligations, mais souligne qu’il pourra les exercer seulement lorsque le gouvernement aura émis des décrets à cet effet. Essentiellement, avec la Loi, on s’est donné une belle voiture performante; tout ce qu’il manque, c’est de mettre la clé dans le contact. La clé, c’est de donner des règles à suivre aux institutions fédérales et de confirmer par décrets les nouveaux pouvoirs du commissaire », a commenté la présidente de la fédération, Liane Roy.
Source : La Presse canadienne
Photo : le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge