Lorsque Josée Payeur s’est enrôlée dans les Forces armées canadiennes en 2001, la Québécoise avait l’impression que les gens qui utilisaient à l’occasion la version féminine non officielle de son grade lorsqu’ils s’adressaient à elle en français essayaient de la rabaisser.

« Il est arrivé à quelques reprises dans le passé que quelqu’un m’appelle par la version féminine de mon rang, et cela ressemblait à une insulte, a raconté Mme Payeur lors d’une entrevue, le lundi 7 février.

« Ce que j’ai le plus vécu en tant que femme dans l’armée, c’est de ne pas être prise au sérieux. C’est toujours très subtil, des micro-agressions (…), des petites blagues toujours proches d’être déplacées. »

Mais depuis deux semaines, les versions françaises de tous les grades militaires ont pour la première fois des équivalents féminins officiels, et Mme Payeur a déclaré qu’elle ne pouvait pas être plus fière. Au lieu d’être « un adjudant », elle est maintenant « une adjudante », une différence subtile, mais significative.

La majore générale Lise Bourgon a fait pression pour le changement en tant que cheffe du personnel militaire par intérim. Elle a déclaré que l’abandon de la terminologie exclusivement masculine vise à garantir que les membres ont des options et peuvent être abordés d’une manière qui reflète qui ils sont.

« J’ai senti tout au long de ma carrière que je ne m’intégrais pas toujours, a déclaré Mme Bourgon, qui est dans l’armée depuis 34 ans. J’ai dû utiliser un terme masculin pour me représenter. Ce n’est pas qui je suis, pas le sexe avec lequel je suis à l’aise. »

Jusqu’à ce mois-ci, les grades inclusifs en français n’avaient pas été mis en oeuvre dans l’armée canadienne, et tous les membres ne pouvaient être officiellement désignés que par le grade masculin.

« Maintenant, je peux enfin m’appeler la majore générale », a dit Mme Bourgon. Je ne dirais pas que j’ai eu une larme à l’oeil, mais presque! »

Tous les grades ont été féminisés en français en consultant la communauté LGBTQ, les minorités visibles et les dirigeants autochtones, « afin que tout le monde y soit favorable », a expliqué Mme Bourgon, ajoutant que l’option de féminiser ou non son rang restera une décision personnelle.

Le changement survient alors que les Forces armées canadiennes cherchent à devenir plus diversifiées et inclusives. En anglais, la Marine royale canadienne a abandonné le terme « seaman » en référence à ses grades subalternes en 2020 et l’a remplacé par « sailor » pour refléter un environnement de travail de genre neutre.

Mais il y avait encore un besoin de moderniser les rangs en français, a noté Mme Bourgon.

Mme Payeur, qui travaille pour les services de santé militaires à Montréal, a déclaré qu’elle se demandait initialement si le changement augmenterait la stigmatisation des femmes dans l’armée.

« C’est déjà difficile pour nous, parce qu’on se fait parfois mettre à l’écart, a dit Mme Payeur. L’armée est en train de changer en ce moment, et j’en suis très heureuse, mais je crains que cela ne mette l’accent sur le fait que nous sommes des femmes. Il reste encore du travail à faire. »

Dans l’ensemble, cependant, elle s’est dite ravie de voir que l’inclusion et le respect envers les femmes sont devenus des priorités, ce qui n’a pas toujours été le cas.

« Cela fait aussi partie de mon rôle, d’être un modèle pour les autres femmes qui vont rejoindre l’armée. Je dois être fière de dire que je suis une femme, et que je n’ai pas à avoir honte d’en être une dans l’armée, a-t-elle déclaré. Nous devons le célébrer. »

SOURCE – La Presse canadienne

PHOTO (crédit: La Presse canadienne) – L’adjudante Josée Payeur