Plus de 15 années après avoir effectué le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle et le livre qui a suivi, l’écrivain, poète, artiste-peintre et président de l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français, Gabriel Osson revient sur cette belle expérience dans un nouvel ouvrage qui s’intitule Les voix du chemin. Mais attention, souvenir n’est point redondance, loin de là! Pour en avoir le cœur net, on a d’abord lu les pages puis on est parti à la rencontre de leur auteur afin de lire entre les lignes. Ce fut avec le cœur qu’il nous répondit.

Soufiane Chakkouche (S.C.) : À l’instar du début de votre livre, on va entrer directement dans le vif du sujet. Vous en avez déjà écrit un, après votre retour du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Est-ce que vous ne craignez pas de tomber dans une sorte de redondance vis-à-vis de vos lecteurs, au risque de les ennuyer?

Gabriel Osson (G.O.) : Non! Parce que les deux histoires sont quelque peu différentes, dans le sens que le premier texte que j’avais écrit parlait plus du voyage en lui-même, de comment je l’avais vécu, de ce que j’avais appris sur la route du Camino. À l’époque, j’avais laissé de côté toutes les choses qui étaient un peu plus personnelles. Dans Les voix du chemin, je parle davantage de ce qui m’a amené sur le chemin, de l’avant Compostelle, mais aussi de l’après, c’est-à-dire tout ce qui s’est passé dans ma vie ces dernières années. C’est là où réside toute la différence.

Gabriel Osson

S. C. : Voilà qui fait une bonne transition pour la deuxième question! Vous écrivez à la fin du livre, à la page 169 : « J’ai toujours été frileux de partager mes pensées profondes, que je cache jalousement aux tréfonds de mon âme. » Alors, pourquoi maintenant? Pourquoi se livrer dans ce livre plus que tous vos précédents, sans mauvais jeux de mots, bien entendu?

G. O. : Les voix du chemin est probablement le livre le plus personnel que j’ai jamais écrit. J’avais besoin de dire certaines choses, de les extérioriser. La relation difficile que j’ai eue avec ma fille qui s’est suicidée il y a trois ans de cela, en est une. J’avais, quelque part, besoin de trouver une façon de me pardonner, mais aussi de lui pardonner. Quelles sont les choses que j’aurais voulu faire, ou que j’aurais pu lui dire quand elle était là? Je ne voulais pas aller dans ce chemin-là, mais c’était une manière de faire sortir ces choses de moi. Vous savez, il m’est arrivé de pleurer en relisant le manuscrit avant de l’envoyer à l’éditeur.

S. C. : Est-ce que ce ne sont pas là les prémices, ou une sorte de préface, d’une prochaine autobiographie, d’autant plus que dans Les voix du chemin vous évoquez un pan entier de votre enfance en Haïti?

G. O. : (rires) C’est une bonne question. Ça fait des années qu’on me demande d’écrire cette histoire, mais franchement, je ne sais pas. J’ai des bribes écrites dans ce sens, mais c’est loin de faire l’objet d’une histoire qui est cohérente. Je n’ai pas connu mon père quand j’étais jeune. J’ai toujours voulu retracer et mettre bout à bout toutes ces bribes de souvenirs que j’ai dans ma mémoire. Je suis en pleine réflexion pour savoir comment je peux relier tout ça. Peut-être que ça va déboucher sur une biographie, mais à ce stade, rien n’est sûr.

S. C. : Confidence pour confidence, on ne vous cache pas qu’on a toujours nourri l’envie secrète de faire le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Quels sont les trois meilleurs conseils que vous pourriez nous prodiguer avant le départ?

G. O. : La première recommandation est la préparation, aussi bien physique que mentale. Physique, parce que c’est un chemin de quelque 800 kilomètres qui est très dur à faire à pied. Mentalement, en raison du fait qu’on passe beaucoup de temps à marcher tout seul, à réfléchir. Beaucoup de choses qui nous échappent peuvent en ressortir, de ce genre de chose qu’on n’aimerait pas qu’elles ressurgissent, il faut être préparé à ça, aussi.

Le deuxième conseil est tout simplement d’être ouvert. Ouvert à la route, ouvert aux autres, ouvert à la vie.

La dernière consigne que je peux vous donner est de voyager léger, le plus léger possible. Il faut savoir se délester du superflu, d’une part parce que c’est lourd, et de l’autre, parce qu’on n’en a pas besoin. Là aussi, il s’agit de physique et de mental.  

S. C. : Message bien reçu.

SOURCE – Soufiane Chakkouche