À défaut de pouvoir compter sur un climatiseur, la combinaison d’un ventilateur et d’eau fraîche vaporisée sur le corps est à privilégier pour rester au frais pendant cette période de canicule, démontrent des travaux réalisés à l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM).

« L’objectif général du projet est vraiment d’identifier des interventions de refroidissement qui sont simples et efficaces pour minimiser le stress physiologique lors de l’exposition à la chaleur, a expliqué le chercheur Daniel Gagnon, qui pilote à Montréal ce projet de recherche qui se déroule en collaboration avec un professeur de l’Université de Sydney en Australie.

« On s’intéresse surtout au travail cardiaque, donc le rythme cardiaque, mais également tout ce qui est température corporelle, production de sueur, etc. »

Si les Australiens s’intéressent principalement à des gens en bonne santé âgés de 60 à 80 ans, les chercheurs montréalais, de par leur spécialité, étudient des sujets souffrant de problèmes cardiaques.

L’ICM dispose de deux chambres climatiques : une qui reproduit une canicule typique de l’Amérique du Nord (un mercure de 38 °C et 60 % d’humidité) et une qui reproduit une canicule typique de l’Australie (45 °C et 10 % d’humidité).

Les sujets sont invités à y séjourner à quatre reprises, à raison de trois heures par visite. Une visite sans aucune intervention de rafraîchissement sert de base. Lors des trois autres visites, les participants sont rafraîchis avec un ventilateur, avec de l’eau vaporisée, ou avec une combinaison des deux.

« Le coeur travaille un peu plus fort quand on a chaud que quand on n’a pas chaud, a dit M. Gagnon. En se rafraîchissant, on essaie de minimiser le travail du coeur. Est-ce que le corps a plus ou moins chaud? Est-ce que le coeur travaille plus ou moins fort? Est-ce que les gens deviennent plus ou moins déshydratés? »

Le ventilateur, avec des bémols

L’objectif, a-t-il précisé, est de déterminer ce qui est le plus efficace dans telle condition caniculaire : le ventilateur, s’éponger avec de l’eau, ou la combinaison des deux?

Le ventilateur semble particulièrement efficace, mais il y a plusieurs variables dont il faut tenir compte.

« Le ventilateur est très efficace jusqu’à des températures d’environ 35 °C, parce qu’il favorise les pertes de chaleur vers l’environnement, mais dès qu’on dépasse, surtout les 40 °C, là ça accélère le gain de chaleur », a prévenu M. Gagnon.

L’efficacité du ventilateur dépend donc entièrement de la température extérieure. Si le ventilateur augmente les échanges de chaleur entre le corps et l’environnement, le phénomène peut aller dans les deux sens.

La température de la peau humaine oscille normalement entre 32 et 34 °C. Si la température ambiante est inférieure à cette fourchette, le corps dégage de la chaleur vers l’environnement.

« Mais dès que la température ambiante dépasse les 35 °C, le corps va gagner de la chaleur de l’environnement » », précise M. Gagnon.

Mais ce n’est pas aussi simple, puisque le mécanisme principal du corps pour perdre de la chaleur reste la sudation.

Le ventilateur aidera grandement à l’évaporation de la sueur, ce qui annulera l’effet du gain de chaleur par le ventilateur (toujours s’il fait plus de 35 °C dans notre environnement immédiat) et accouchera d’un résultat essentiellement nul.

Mais seulement si les gens sont capables de transpirer normalement.

« Surtout chez les personnes âgées, la capacité de transpirer est diminuée, donc on pousse plus de chaleur vers le corps sans nécessairement en perdre davantage par l’évaporation de la sueur, a prévenu M. Gagnon. C’est pour ça qu’on s’est aussi intéressés à la vaporisation d’eau. C’est comme si on met de la sueur artificielle sur le corps et qu’on redonne aux gens la capacité de transpirer. »

L’étude est toujours en cours, mais les chercheurs disposent déjà de bonnes données préliminaires qui démontrent que de s’éponger avec de l’eau aux cinq minutes est efficace.

« Ça diminue un peu l’augmentation de la fréquence cardiaque, ça minimise la perte de sueur, donc c’est une intervention qui nous intéresse beaucoup en allant de l’avant », affirme le chercheur.

Réduire la perte de sueur réduira du fait même les risques de déshydratation, qui est une des principales causes d’hospitalisation lors des canicules.

Changements climatiques

Les chercheurs ne se sont pas intéressés à l’utilisation des climatiseurs.

Si une raison tombe sous le sens – « Le climatiseur est vraiment le mécanisme de refroidissement le plus efficace, a dit M. Gagnon, mais tous n’en ont pas un à la maison » –l’autre est un peu plus étonnante.

« On cherchait plus des stratégies alternatives dans un contexte de changements climatiques, ajoute-t-il. L’utilisation massive des climatiseurs contribue au réchauffement climatique qui entraîne de plus en plus de canicules. Donc c’est un peu un cercle vicieux. »

De plus, poursuit-il, les climatiseurs sont très énergivores, ce qui peut mettre un peu un stress sur le réseau électrique.

En cas de panne qui paralyserait les ventilateurs, les chercheurs ont donc voulu identifier des stratégies alternatives, comme la vaporisation d’eau.

« Le ventilateur est à privilégier, a conclu M. Gagnon. Si on en a un, il ne faut pas avoir peur de l’utiliser, à moins que la température à l’intérieur du bâtiment dépasse les 35 °C. On peut peut-être essayer de combiner ça avec s’éponger avec de l’eau de temps en temps, ça va aider. Et de rester bien hydraté. »

SOURCE : Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne