Vandalisme pour certains esprits obtus, art pour les autres, le graffiti est entré dans nos vies par la petite porte d’une bande de casse-cou qui arpentaient le métro new-yorkais à la fin de la décennie 1970. Depuis, non seulement le graffiti a essaimé partout dans le monde, mais en plus, il s’est diversifié. Les carcans se sont brisés un à un. La peinture n’est plus l’unique matériel puisqu’on utilise aussi les collages. L’écriture est ramenée au second plan, le figuratif reprend ses droits, et même l’abstrait. Malgré tout, la bombe de peinture reste l’élément de base de la culture du graffiti.
Comme toutes les métropoles du monde, Toronto est le terrain de jeu de centaines d’artistes mystérieux. Elle a pour elle un univers urbain vaste et peu dense, un bâti très diversifié et, surtout, des allées tranquilles et sombres, idéales pour accueillir de nuit les graffiteurs et pour échapper à la police dans le dédale urbain. Il est vrai que cet art de rue est régulièrement brocardé par certains responsables politiques, dont le maire Rob Ford.
Malgré tous ses efforts pour faire de Toronto une ville sans tags, on en voit un peu partout dans nos rues, si bien que la quantité l’emporte haut la main sur la qualité. Pourtant, si on sait où chercher, on peut tomber sur d’authentiques perles.
Tous les amateurs vous le diront, la Mecque torontoise du graffiti, c’est la bien nommée Graffiti Alley, située entre Spadina et Portland, juste au sud de Queen. Sur environ un kilomètre de long, les façades sont peintes par de grands artistes parfois venus de loin. On dit que le célèbre Banksy y est allé de son graffiti, il y a plusieurs années. L’allée, qui comprend un jardin communautaire, a su se renouveler pour être sans doute le coin le plus intéressant à Toronto. Arpenter ce coin de rue après minuit, à la lumière diffuse des lampadaires est une expérience à ne pas manquer.
Le marché Kensington et son esprit bohème, ne pouvait pas passer à côté de l’art de rue. Là, on y apprécie les collages et les graffitis faits en collaboration avec les commerçants.
Trinity Bellwoods est un parc, mais au cours de la longue fin de semaine, à l’initiative d’un centre culturel et en plein jour, il a accueilli une douzaine de graffiteurs pour une session de tags en groupe. Depuis, on peut admirer, au nord du parc, plusieurs belles œuvres, notamment un zèbre coloré du célèbre artiste torontois Angel Carillo. Cependant, le quartier est depuis longtemps le terrain d’expression d’un autre artiste qui a même fait l’objet d’une exposition et qui se paye le luxe de n’avoir pas besoin de signer ses œuvres tant son style est reconnaissable entre tous : Anser. Ses visages de femmes aux lignes cubistes et aux regards intenses malgré l’aspect schématique des traits est particulièrement troublant.
Un peu plus à l’ouest, on ne saurait passer sous silence ce qui se passe dans une autre allée, cette fois à l’ouest d’Ossington, entre Queen et Humbert. Une « allée » alternative, plus récente et moins établie.
Enfin, les connaisseurs prétendent que c’est dans les endroits les moins accessibles que l’on trouve le meilleur travail : pont sur les autoroutes, usines abandonnées, voies ferrées, etc. Avis aux amateurs à qui on ne saurait trop recommander la prudence…
Photo : Le fameux zèbre d’Angel Carillo