Rosalind Lockyer
Les entrepreneures canadiennes se démarquent par leur dévouement à créer et gérer leurs propres entreprises. Le nombre de femmes entrepreneures au Canada augmente, et leurs contributions ont une incidence positive sur l’économie, que ce soit dans le commerce de détail, les services alimentaires, les communications, les métiers spécialisés, la technologie ou d’autres secteurs.
Les femmes entrepreneures ont créé plus de 1,5 million d’emplois et ont contribué à hauteur de 150 milliards $ à l’économie canadienne, selon des études. Cependant, malgré ce succès, une enquête récente menée auprès de femmes entrepreneures par le PARO Centre pour l’entreprise des femmes (PARO), un organisme à but non lucratif, révèle que les entrepreneures sont confrontées à des difficultés qui ont des conséquences néfastes sur leur santé mentale et leur bien-être.
Si l’entrepreneuriat est déjà difficile en soi, surtout dans le contexte actuel d’incertitude économique, d’inflation et de pandémie, être une femme en affaires ajoute un degré de complexité supplémentaire. Pour aider les femmes à réussir en tant qu’entrepreneures, les gouvernements à tous les niveaux doivent soutenir des politiques adaptées à leurs défis particuliers.
L’accès au financement est l’un des principaux obstacles pour les femmes entrepreneures. Selon l’enquête de PARO, 86 % des femmes entrepreneures ont déclaré que les facteurs financiers représentaient une source de stress majeure.
Cela n’est pas surprenant : des études montrent que la moitié des femmes entrepreneures rencontrent des difficultés lorsqu’elles tentent d’obtenir un financement pour leur entreprise. En outre, les demandes de financement des entreprises dirigées par des femmes sont plus susceptibles d’être rejetées d’emblée que celles de leurs homologues masculins.
Par rapport aux hommes, les femmes entrepreneures déclarent également avoir plus de difficultés à trouver, à être admissibles et à présenter des demandes pour des programmes d’aide gouvernementale.
La conciliation travail-famille constitue un autre défi de taille. En raison de normes liées au genre dépassées voulant que les femmes soient les seules ou principales responsables des soins et des tâches ménagères, les femmes entrepreneures peuvent se sentir dépassées lorsqu’elles doivent s’occuper de leurs enfants et de leurs parents âgés tout en gérant leur entreprise.
L’enquête a révélé un manque de mentorat et de réseaux de soutien, ce qui prive les entrepreneures d’un accompagnement et de conseils qui peuvent s’avérer essentiels à leur réussite. Lors des tables rondes de PARO à la suite de l’enquête, les entrepreneures ont évoqué la nécessité d’un système de jumelage entrepreneurial pour réduire le sentiment d’isolement face aux défis professionnels et familiaux.
L’enquête a également révélé que les femmes entrepreneures qui tentent d’obtenir un soutien en matière de santé mentale doivent payer de leur poche des services privés coûteux ou faire face à de longues listes d’attente pour l’accès à des ressources financées par le gouvernement. Cela fait que plusieurs d’entre elles se sentent démoralisées et délaissées dans leurs moments difficiles.
Ces défis sont encore plus grands pour les entrepreneures autochtones et issues des minorités visibles, qui doivent également composer avec les effets du colonialisme, de la discrimination systémique et du racisme.
Ces problèmes sont aggravés par le manque de représentation des femmes dans les postes de décision au sein du gouvernement et d’entreprises privées. La sous-représentation des femmes entrepreneures dans des postes de direction peut restreindre leur capacité à imaginer et à mener leurs propres projets d’entreprise.
Le manque d’exemples à suivre diversifiés diminue aussi les occasions d’accompagnement et de soutien entre pairs et crée des obstacles supplémentaires pour les femmes qui doivent contourner les complexités du milieu entrepreneurial.
La bonne nouvelle, c’est que les gouvernements disposent de plusieurs moyens pour mettre en place un système de soutien solide pour les femmes entrepreneures, afin de réduire ou éliminer les problèmes de santé mentale et de bien-être auxquels elles sont confrontées.
Les gouvernements doivent veiller à ce que les femmes entrepreneures aient un accès équitable au financement d’entreprises. Ils doivent également soutenir les programmes financiers dont les critères et les demandes sont adaptés à la participation des femmes, afin que les entrepreneures puissent accéder plus facilement au financement dont elles ont besoin. Les gouvernements doivent évaluer les mesures actuelles pour déterminer l’admissibilité des candidatures et assurer un accès équitable pour des populations diversifiées.
Les gouvernements doivent également financer les organisations qui créent davantage d’occasions de réseautage et de mentorat pour les femmes entrepreneures, en particulier celles qui mettent de l’avant la diversité, l’inclusion et la visibilité des entrepreneures prospères de tous les horizons.
En outre, ils doivent s’attaquer aux stéréotypes de genre et améliorer l’accès à des ressources telles que les services de garde afin d’améliorer l’équilibre entre le travail et la vie personnelle.
Les gouvernements doivent également améliorer l’accès aux ressources essentielles en matière de santé mentale – surtout l’accès rapide à celles-ci – afin que les femmes entrepreneures puissent obtenir le soutien dont elles ont besoin en temps opportun.
Dans leurs propres rangs, les gouvernements doivent créer davantage de possibilités pour les femmes d’accéder à des postes de décision. La présence d’un plus grand nombre de femmes à des postes de direction peut stimuler le progrès sociétal et permettre aux entrepreneures de réaliser leurs aspirations.
Les femmes entrepreneures créent de la richesse et des emplois, ce qui profite à leurs collectivités et à l’économie canadienne. Pour les aider à réussir, nous devons nous attaquer aux problèmes de santé mentale et de bien-être auxquels elles sont confrontées.
Rosalind Lockyer est fondatrice et cheffe de la direction de PARO Centre pour l’entreprise des femmes-Ontario, PARO Canada, et membre du conseil d’administration de l’organisme Organisations d’entreprises de femmes du Canada (OEFC).
Photo : Rosalind Lockyer