« J’ai appris la nouvelle par téléphone. J’étais si surprise que j’ai mis quelques secondes à répondre. Je ne m’y attendais pas du tout. Je suis honorée et flattée, a réagi Mariette Carrier-Fraser. La militante franco-ontarienne a été décorée, le vendredi 12 mai, de l’Ordre du Canada, récompensant ses réalisations exceptionnelles et son dévouement remarquable envers la communauté et la nation. Elle a reçu son insigne des mains du gouverneur général, David Johnston.
La devise de l’ordre, Ils veulent faire une patrie meilleure, sied justement à celle qui a laissé une empreinte indélébile dans bien des conseils et organismes qu’elle a contribué à créer ou à développer. Des conseils scolaires aux centres de santé, de l’Assemblée franco-ontarienne (AFO) au Centre canadien de leadership en évaluation (CLÉ), du ministère de l’Éducation à celui de la Santé, « j’ai toujours tout mis en œuvre pour avancer les idées et reconnaître les droits des francophones, en influençant les décisions visant à améliorer les services en français auxquels ils ont droit », affirme-t-elle.
L’enseignante à l’école élémentaire à Hearst dans les années 80, devenue sous-ministre adjointe responsable de l’éducation en langue française à Toronto en 1997, a connu une carrière exceptionnelle, réalisée en grande partie dans l’éducation. « Je suis fière d’avoir contribué à l’établissement de 12 conseils
scolaires en travaillant à l’élaboration du projet de loi leur donnant naissance », sourit celle qui siégera par la suite au Conseil des gouverneurs de l’Université Laurentienne de 1998 à 2007 et au conseil d’administration de l’École de médecine du nord de l’Ontario de 2003 à 2007.
« Nous avons travaillé fort durant plusieurs années pour aboutir à ce projet à une époque où tout était à construire : il y avait bien des sections de langue française au sein de conseils anglophones mais pas de conseil scolaire gouverné par les francophones. Cela a été une bataille de tous les instants contre le manque de connaissance et de reconnaissance. Encore aujourd’hui, il faut rappeler continuellement aux gouvernants notre existence et rester vigilants, face à l’oubli. Nous sommes là! », clame-t-elle avec une détermination intacte, incitant aussi les conseils scolaires à plus de coopération entre eux pour améliorer le système éducatif.
À la tête de l’AFO de 2006 à 2010 et du CLÉ de 2003 à 2013, Mme Carrier-Fraser a également beaucoup œuvré dans le domaine de la santé. Elle a laissé de très bons souvenirs auprès de ses collaborateurs et de nombreux projets ont vu le jour sous ses mandats. Ancienne membre du conseil d’administration du centre de santé communautaire Hamilton-Niagara, elle garde d’ailleurs toujours un œil bienveillant sur l’évolution de l’organisme au côté duquel elle a fêté les 25 ans, cette année. « Cela m’intéresse beaucoup. Je me réjouis de voir que le dossier de la santé progresse. Depuis la fin des années 90, d’énormes progrès ont été réalisés dans l’offre de services grâce à une collaboration accrue entre les médecins, les infirmières et l’ensemble des acteurs de soin. Les centres de santé communautaires se sont développés sur ce modèle gagnant, apprécie-t-elle.
Membre du conseil consultatif des services en français du ministère de la Santé et des soins de longue durée depuis, Mme Carrier-Fraser sert encore et toujours la cause francophone. « Nous suivons tous les dossiers de transformation en santé permis par la Loi de 2006 sur l’intégration du système de santé local. Nous faisons des recommandations aux fonctionnaires en matière de soins palliatifs à domicile, de santé mentale et autres afin d’améliorer les services en français. L’une des priorités est que chacun puisse accéder à la santé primaire dans sa langue. Pouvoir exprimer ses besoins dans sa langue à un médecin est primordial surtout pour une population vieillissante, affectée par la perte de mémoire. Mais cela vaut aussi pour les enfants. Nous recevons une bonne réception de la ministre et des fonctionnaires. Mais il faut aller encore plus loin, tout simplement parce que c’est un droit ».
Et d’exhorter les francophones à être vigilants au quotidien, à ne pas attendre mais toujours demander des services en français ou qu’ils aillent pour montrer qu’ils existent. « Nous sommes condamnés à l’excellence. »
Photo : Mariette Carrier-Fraser investie par le gouverneur général David Johnston.