É. Bergeron et F. Lacroix-Couture

Le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, s’inquiète de l’imposition par Québec d’un plafond au nombre d’étudiants pouvant fréquenter les cégeps anglophones dans la province.

Dans un rapport publié le mercredi 9 octobre, il se dit aussi préoccupé par la hausse des frais de scolarité, à l’université, pour les étudiants non francophones provenant de l’extérieur du Québec.

« Les établissements concernés s’inquiètent grandement  – et je partage ces inquiétudes – des répercussions de ces mesures sur l’évolution de leur effectif étudiant et sur leur propre viabilité financière», peut-on lire.

Le plafond d’étudiants dans les cégeps anglophones fait partie de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français – anciennement le projet de loi 96. « Les universités, cégeps et collèges anglophones du Québec font partie de la solution, pas du problème », écrit M. Théberge.

Selon lui, les étudiants dans ces établissements peuvent, au contraire, participer à la vitalité de la langue de Molière en « vivant en contact avec la francophonie » même s’ils étudient en anglais.

« Un des principaux défis auxquels fait face la minorité anglophone du Québec est la perception qu’elle n’adhère pas à la valeur de la langue française en tant que langue commune. Bien qu’elle soit tenace, cette perception est un mythe que tous gagneraient à déconstruire », soutient le commissaire.

Il mentionne à l’appui que 71 % des Québécois dont la langue maternelle est l’anglais sont bilingues et que la plupart d’entre eux parlent le français dans leur quotidien, que ce soit au travail, à la maison ou à l’école.

En conférence de presse le 9 octobre à Winnipeg, M. Théberge a invité le gouvernement québécois à avoir une réflexion sur l’impact de ses décisions sur la communauté anglophone de la province.

« Je pense que le Québec doit prendre des mesures pour assurer la pérennité du français sur son territoire et de cette façon aussi assurer la pérennité du français à l’échelle du pays. Mais il doit toujours tenir compte de l’impact de ses décisions sur la vitalité de sa communauté minoritaire », a-t-il dit. 

Santé et garderies

Le commissaire souligne par ailleurs avoir été « très préoccupé » par une directive gouvernementale qui a semé l’inquiétude sur l’accès aux soins de santé en anglais au Québec. Il ajoute être « encouragé » que Québec ait publié, le mois passé, une nouvelle directive énonçant clairement que les anglophones ont le droit de recevoir ces services dans la langue de Shakespeare.

« Que ce soit au Québec ou ailleurs au Canada, lorsqu’une personne a recours à des soins de santé, elle doit pouvoir communiquer clairement et rapidement avec le personnel. Elle peut, en outre, se trouver dans un état vulnérable où chaque seconde compte », soutient M. Théberge dans son rapport.

Le commissaire se penche aussi sur les communautés francophones en situation minoritaire au Canada et sur les problématiques qui leur sont propres. Il revient par exemple sur la pénurie d’éducateurs dans les centres de la petite enfance.

« De plus, leur clientèle est éparpillée et leurs pourvoyeurs de services sont dispersés. Cette configuration crée ultimement un manque de places en garderie de langue française, ce qui pousse plusieurs parents à inscrire leurs enfants dans des garderies anglophones situées à proximité, rendant les prochaines générations vulnérables à l’assimilation », poursuit-il.

Il promet de scruter à la loupe la façon dont seront mises en application les clauses linguistiques incluses dans les ententes du fédéral avec chaque province pour des places en garderie à 10 $.

Selon lui, « trop souvent », ces ententes entre Ottawa et les provinces n’identifient pas « un nombre de sièges ou une proportion du financement désignée pour les communautés francophones ».

« Donc, c’est clair qu’on doit se donner un mécanisme de monitorage et d’évaluation, et faire le suivi. J’encourage fortement le gouvernement fédéral d’avoir ces clauses linguistiques », a déclaré M. Théberge aux journalistes. 

Source : La Presse canadienne