Quel sera l’avenir de l’éducation postsecondaire en français en Ontario? Les conclusions des derniers États généraux sur la question indiquent que selon les 800 intervenants consultés, l’avenir de l’éducation postsecondaire en français dans la province passe par un meilleur accès à des programmes francophones, gérés par et pour les Franco-Ontariens.

« Les universités bilingues offrent des programmes francophones. Toutefois, tous les cours pour compléter un programme ne sont pas nécessairement en français. Dans l’Est et le Nord de la province, on devrait être capable au moins de compléter les programmes existants en français, ce qui n’est pas le cas », expliquait Alain Dupuis, directeur général du Regroupement étudiant franco-ontarien, qui a mené les consultations en partenariat avec l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne. M. Dupuis rappelait qu’un étudiant fréquentant une université bilingue peut en effet faire ses études dans les programmes des Arts ou en Sciences sociales, mais d’autres programmes, tels que le génie civil ou les sciences pures, nécessitent des apprentissages en anglais. À son avis, l’accès à des programmes postsecondaires en français est une question de droit.

Cette question est devenue un sujet chaud de l’actualité régionale depuis un an et pour cette raison, la conférence du nouveau principal du Collège universitaire Glendon au Club canadien, le 21 octobre dernier, sur l’avenir de l’université au Canada français était un rendez-vous que plusieurs intervenants francophones de la communauté torontoise ne voulaient manquer. Ils souhaitaient connaître le point de vue de Donald Ipperciel.

Cependant, avant d’aborder la question controversée de la place de l’éducation universitaire en milieu minoritaire francophone au Canada, le principal de Glendon a plutôt abordé les thèmes principaux de l’université : sa nature, sa mission, le rôle de la technologie, son financement, la transformation profonde de sa population étudiante, etc. Il a commencé son allocution en parlant de la nature de l’université par rapport à l’avenir du postsecondaire au Canada français. 

« L’université est le lieu de recherche et de création du savoir, ce qui n’est pas le cas au collège. L’université est un endroit de formation générale et une place où l’on insiste davantage sur les compétences essentielles (compétences collaboratives, esprit critique, etc.). La gouvernance est de type collégial, une structure plus horizontale et hiérarchique. Les dirigeants ne décident pas des programmes, indique M. Ipperciel. La mission de l’université est de former les leaders de demain. Par exemple, dans les arts libéraux, un leader doit avoir des qualités de communicateur et avoir l’esprit critique. Ces compétences sont très recherchées également dans le secteur privé. 

« Aujourd’hui, le rôle de la technologie fait en sorte que l’étudiant est plus connecté. Les études démontrent que plus l’étudiant passe de temps sur l’internet et les médias sociaux, plus grand sera son réseau d’amis et de connaissances qu’il rencontrera en face à face. Il s’engagera davantage en milieu communautaire dans le bénévolat et la politique. C’est ce genre de choses qu’il faut comprendre pour voir comment l’université devrait se transformer, poursuit-il. Il y aura une augmentation de la technologie mais l’étudiant que l’on dit branché ne l’est pas seulement au niveau technologique, mais avec les gens autour de lui. Le réseautage est plus important pour les étudiants que le « Massive Learning. L’avenir sera hybride, il va toujours y avoir cet aspect face-à-face traditionnel dans lequel on y ajoutera l’élément technologique. Une technologie qui permettra un réseautage encore plus large, voire mondial. »

Et quelle est sa position face à l’avenir de l’université au Canada français? « Les francophones rappellent souvent qu’ils ont droit à leur propre université mais je crois qu’ils ont droit à bien plus encore. Ils ont droit à la meilleure institution universitaire possible, qui leur permettrait de se réaliser au plein potentiel de leurs capacités et inspirations. Comment faire? Il faut miser sur les structures existantes. Il ne faut pas réinventer la roue. Une nouvelle université exigerait un investissement important en infrastructure administrative et immobilière et cela ne contribuerait pas à l’amélioration de l’offre et de la qualité des programmes. Il faudrait bonifier l’offre de programmes dans les institutions existantes dont le Collège universitaire Glendon de l’Université York. Le Collège Glendon est aussi votre institution, prenez-en possession! Nous avons déjà une majorité de francophones qui travaillent à Glendon (58 %

du personnel), mais c’est le nombre d’étudiants francophones qui est trop bas (entre 25 % et 30 %). Mon rêve serait de voir les francophones compter pour au moins 50 % de la population étudiante. Nous avons fait une percée importante dans le domaine des technologies de l’enseignement. Nous commencerons bientôt des projets de Data Mining (exploration des données) et des projets d’évaluation des compétences essentielles. Il faut voir plus grand. Avec l’appui d’une communauté francophone forte, d’un gouvernement qui croit dans le potentiel de cette communauté et d’institutions-sœurs qui assurent une complémentarité des efforts, il n’y a pas de limite à ce que nous pouvons accomplir en enseignement supérieur. C’est ce à quoi je me dévouerai avec mes collègues pour les prochaines années », a conclu Donald Ipperciel.

Photo : Donald Ipperciel, principal du Collège universitaire Glendon