Le Métropolitain

Kent Monkman témoigne de 300 ans d’histoire autochtone

C’est une exposition qui fait du bruit depuis son arrivée au Art Museum de l’Université de Toronto. D’origine crie, Kent Monkman revient sur 300 ans d’histoire canadienne avec Shame and Prejudice: A Story of Resilience présentée jusqu’au 4 mars.

Il aura fallu trois ans à l’artiste pour créer cette série composée d’une quinzaine de toiles qui seront amenées à voyager d’un océan à l’autre dans le cadre des célébrations du 150anniversaire de la Confédération.

Débutant son récit à l’époque de la Nouvelle France alors que le peuple autochtone dispose de nombreuses richesses, l’artiste subversif raconte l’histoire du point de vue autochtone à l’aide son alter-ego Miss Chief Eagle Testickle qui se glisse au sein de moments historiques.

Si la culture occidentale est rythmée par des chefs-d’œuvre ancrés dans une chronologie précise, Kent Monkman les détourne pour en imaginer un autre héritage.

Comme les Européens et les Autochtones ont entremêlé – de gré ou de force – leur histoire, les peintures grand format du peintre jouent avec ces deux mythologies fratricides.

Picasso, Bacon, on reconnaît les clins d’œil aux grands maîtres tout au long de l’exposition. Kent Monkman revisite la toile La Balançoire (1775-80), ultime chef-d’œuvre du rococo de Jean-Honoré Fragonard dans une sculpture où le trop-plein du mouvement artistique disparaît pour laisser place à une atmosphère morose.

Le Petit déjeuner sur l’herbe de Kent Monkman

S’il existe Le déjeuner sur l’herbe (1863) d’Édouard Manet, Kent Monkman présente lui son Petit déjeuner sur l’herbe. Bien loin du romantique repas champêtre, c’est une scène de chaos ultra moderne qu’il dessine. Une façon de casser « l’image romantique » de l’Autochtone et mettre en parallèle des réalités.

Kent Monkman revisite Les Pères de la Confédération de Robert Harris avec The Daddies

Telles les pages d’un livre d’histoire que l’on tourne, le visiteur avance d’époque en époque. Depuis la traite de la fourrure, il finit par arriver nez-à-nez avec ce qui semble être le célèbre portrait des Pères de la Confédération (1864) de Robert Harris. Pourtant, au milieu de l’œuvre trône un nouveau personnage. C’est bien elle, Miss Chief Eagle Testickle, qui semble offerte, présentée comme cadeau devant ce que Kent Monkman renommera The Daddies.

L’artiste revient sur les grandes douleurs du peuple autochtone et souligne l’histoire des pensionnats avec une citation du premier ministre John A. Macdonald : « Quand l’école est située dans la réserve, l’enfant vit avec ses parents, qui sont des sauvages. Il est entouré de sauvages et, bien qu’il apprenne peut-être à lire et à écrire, ses manières, sa formation et son mode de pensée sont indiens. Il est simplement un sauvage qui sait lire et écrire. » (1879)

The Scream

Puis alors, le spectateur découvre The Scream, véritable peinture du désespoir où depuis la robe, jusqu’aux cheveux, les femmes autochtones sont retenues impuissantes alors que le clergé s’empare des enfants.

« Plusieurs de nos gens ont grandi brisés – est-ce étonnant qu’ils remplissent les prisons, peuplent les geôles et traînent sur le trottoir, perdus dans le cycle du dégoût de soi-même, du traumatisme et de la dépendance? », écrit l’artiste qui revient sur les difficultés actuelles des Autochtones avant de les peindre dans les œuvres Cash for Soul et Struggle for Balance.

À travers ce parcours historique, le visiteur découvre une histoire dont la balance a été renversée. Une habile manœuvre de l’artiste qui permet une contemplation de la relation entre les peuples et rappelle que l’histoire d’un pays est peuplée de violences et de tumultes.

 

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