Comprendre Haïti et attendre des réponses

Haïti est un nom qui suscite immédiatement une image, un sentiment. Certains pensent à Duvalier, à la dictature et à la corruption. D’autres pensent à la première république noire au monde, à la résilience d’un peuple pauvre mais fier. Et il y a cette expression « perle des Antilles » qui fait rêver. Pour Rodney Saint-Éloi, « la première clef pour comprendre Haïti est la passion, le délire et la folie ». Il a publié un carnet intitulé tout simplement Passion Haïti.

Poète, écrivain et essayiste, Rodney Saint-Éloi est né en 1963 à Cavaillon, en Haïti. Il vit depuis 2001 à Montréal où il dirige les éditions Mémoire d’encrier. Selon lui, Haïti est un pays impossible. « On balance d’un excès à l’autre. Du pays le plus pauvre au pays le plus merveilleux. »
C’est en 1804 que les Haïtiens brisent les chaînes de l’esclavage pour brandir leur indépendance, pour devenir la première république noire du monde. Depuis plus de deux siècles, ce peuple survit en tutoyant les dieux. « Les dieux et les hommes se battent constamment. Souvent, ils s’entendent pour changer de place. » Une façon de dire que la légende fait partie du quotidien.

Malgré son exil, Saint-Éloi garde Haïti en lui. Il nous raconte son enfance et sa jeunesse à Cavaillon, il souligne la culture et les couleurs flamboyantes du créole, il déplore le racisme et les inégalités qui caractérisent encore son pays. « Le Blanc méprise le mulâtre. Le mulâtre méprise le Noir. Le Noir riche méprise le pauvre Noir. Et le Noir pauvre des villes méprise le paysan noir des mornes. Ainsi vont les choses. »
Haïti est une île, mais cela n’empêche pas l’auteur « de foutre la mer dehors » dans ses rêves. Il refuse la mentalité d’insulaire car cela conduit à l’enfermement. Son Haïti n’a pas de vents, « de vents qui empêchent de fixer l’horizon et de trouver la chanson qui est la sienne ».

Parhélie ou les corps terrestres
Nouvelliste, romancière, essayiste et professeure à l’Université de Sherbrooke, Christiane Lahaie a récemment publié un court roman intitulé Parhélie ou Les corps terrestres. Ces corps sont ceux d’une fille de 13 ans, d’un postier à la retraite et d’une femme désespérée. Leurs chemins se croisent bizarrement dans une histoire dont la fin reste inconnue.

Abele Seraphini, 62 ans et célibataire, est le postier à la retraite. Il accepte de livrer un colis, contre une généreuse rétribution, mais le receveur demeure introuvable. Pendant qu’il explore diverses pistes, une femme semble prête à s’enlever la vie. Justine d’Aubigny est juchée sur son perchoir infernal au sommet d’une tour de 40 étages, prête à plonger dans le vide. 

Parallèlement, Amélie Sorrow, 13 ans, vit recluse chez sa tante depuis que son corps a été exposé à la communauté des internautes, bien malgré elle. Son exhibitionnisme a fait mal à personne, sauf à elle-même; elle voudrait changer de nom, de pays, de planète. « Il doit bien y avoir un monde où l’on célèbre le simple fait d’être ordinaire. »

Ce court roman se résume à un colis qui attend pour être livré et à des questions qui attendent sans réponses dans la tête de trois protagonistes.

Paul-Francois Sylvestre


Christiane Lahaie, Parhélie ou Les corps terrestres, roman, Montréal, Lévesque éditeur, coll. Réverbération, 140 pages, 24 $.

Rodney Saint-Éloi, Passion Haïti, carnet, Québec, Éditions du Septentrion, coll. Hamac-Carnet, 2016, 214 pages 19,95 $.