Québécoise d’origine vietnamienne, l’auteure Kim Thuy a fui son pays natal avec ses parents et ses deux frères par bateau. En 1978, elle s’installe dans la Belle province sans connaître un mot de français. De là s’ensuit une carrière d’avocate, de chroniqueuse culinaire et de restauratrice. Aujourd’hui, elle est une écrivaine reconnue internationalement et pourtant cette nouvelle carrière lui est tombée dessus un peu par hasard.

S’endormant beaucoup au feu rouge, elle décide alors de faire des listes afin de rester éveillée. « Un jour, je n’avais plus de listes à faire et j’ai commencé à prendre des notes. Puis, je suis restée un mois à la maison pour écrire. J’écrivais quand j’avais du temps », se rappelle-t-elle. Un de ses amis lui propose alors d’envoyer toutes ses notes à une maison d’édition. La suite, le public la connaît.

De ces notes est paru son premier roman Ru qui a connu un grand succès au Québec et en France, gagnant plusieurs prix littéraires tels que le Prix du gouverneur général en 2010, le Grand prix RTL-Lire (2010). « C’est devenu explosif par la suite », souligne l’auteure.

Et pourquoi écrit-elle en français? En arrivant au Québec, elle est tombée amoureuse des Québécois et de leur langue. « J’ai été accueilli par les Québécois, avec une telle générosité, un telle pureté, une telle gentillesse. Je me suis revue dans leur regard. Je n’ai jamais été aussi belle qu’à ce moment-là et je ne suis jamais redevenue aussi belle qu’à ce moment-là », avoue-t-elle.

Le français est une langue qu’elle a mis du temps à apprendre. « Chaque mot a été acquis avec beaucoup d’efforts. Chaque mot est très précieux pour moi. Chaque nouveau mot, je l’accueille comme un diamant », précise cette amoureuse de la langue française. Il n’y a pas de doute, Kim Thuy chérit la langue de Molière. Cet amour, elle a su le transposer dans ses romans. Sa plume poétique est envoûtante et émouvante. Le récit est nostalgique.

Dans son dernier livre Vi, paru en 2016 et publié en anglais il n’y a que quelques mois, elle raconte l’histoire d’une jeune fille, qui a trois frères aînés et dont la famille est arrivée par bateau au Canada. Beaucoup de similitudes avec sa vie. Certains décrivent même ce livre comme autobiographique et pourtant ce n’est pas le cas : « J’ai basé Vi sur une famille que je connais et non pas de ma propre vie en tant que telle ».

La ligne entre la fiction et la réalité n’est pas définie. Elle ne souhaite pas raconter sa vie mais plutôt dresser le portrait d’hommes et femmes qu’elle a connus. « Je veux partager des portraits, des histoires de migrants et de réfugiés. Très souvent ces termes sont devenus des termes génériques. Il n’y a plus de visage, il n’y a plus de nom et plus d’histoire », ajoute Kim Thuy. Elle donne ainsi un visage aux mots migrants et réfugiés.

Dans Vi, elle parle notamment de la richesse de posséder plusieurs identités. Pour elle, « l’une nourrit l’autre et l’une embellit l’autre. On peut voir le monde de deux façons et non pas d’une seule. J’ai l’impression que je suis enrichie énormément. Ce n’est donc pas l’addition des deux, mais ça devient exponentiel ».

Être polyglotte est vraiment un atout pour Kim Thuy : « le vietnamien va révéler la beauté de la langue française ». Son roman montre aussi la fragilité de l’être humain. Dès le titre, on voit cette fragilité. « Vi en vietnamien veut dire « précieuse, minuscule. Je crois que nous sommes tous fragiles. La vie est fragile et forte à la fois. »

Kim Thuy est une grande auteure qui fait vibrer ses lecteurs et qui a encore beaucoup de choses à dire. « Mes récits sont courts. J’ai tellement d’histoires à raconter. Je ne sais pas si j’arriverai à toutes les dire », conclut l’auteure.

 

PHOTO: Kim Thuy