Louis Riel est bien connu comme chef de la rébellion des Métis au Manitoba durant la seconde partie du XIXe siècle. Certains sont aussi familiers avec un certain Louis « David » Riel, prophète autoproclamé de la cause métisse. Mais c’est un autre visage de Louis Riel qu’a fait découvrir Alexis Lachaîne, professeur d’histoire et d’études canadiennes au Collège universitaire Glendon : Riel poète.
Invité par l’Alliance française et la Société d’histoire de Toronto à parler du grand chef métis, M. Lachaîne mentionne qu’on ne doit pas sous-estimer l’importance de la poésie chez Riel pour expliquer sa vie mouvementée et son destin tragique.
S’il est vrai que la ferveur religieuse et les circonstances qui ont mené les Métis du Manitoba à se rebeller contre l’expansionnisme de la nation canadienne naissante ont contribué à placer Riel au centre de l’histoire, le sens de la vie de Louis Riel peut aussi résider dans les nombreux poèmes qu’il a écrits.
M. Lachaîne a entrepris d’abord de dresser un portrait de la vie de Louis Riel et d’expliquer le contexte historique au Manitoba à cette époque. Le jeune Dominion du Canada lorgnait avec envie les vastes territoires de l’Ouest canadien jusqu’alors peuplé par les Premières nations et les Métis.
Hommes et femmes de sang mêlé, catholiques et en majorité francophones, les Métis de ce territoire alors appelé « la colonie de la rivière Rouge » entravaient le cheminement du Canada vers la conquête de la grande prairie canadienne. Riel fut rapidement investi en tant que chef naturel de la révolte. Deux rébellions armées infructueuses entrecoupées d’un exil aux États-Unis mèneront cependant à son arrestation, à sa condamnation pour « haute trahison », puis à sa pendaison le 16 novembre 1885.
M. Lachaîne a noté en passant que Riel connut plusieurs déboires tôt dans la vie : décès de son père, abandon d’études en prêtrise et plans de mariage avortés. Il n’a pas manqué de souligner l’aspect mystique dont on fait souvent état en parlant de Riel. Fervent croyant comme la plupart de ses contemporains, Riel se voyait de plus investi d’une mission biblique de sauver la nation métisse de l’anéantissement.
On saisit alors mieux pourquoi Riel passa la majeure partie du temps à se promener sur le champ de bataille, une croix à la main, lors du dernier affrontement entre les rebelles et les troupes canadiennes.
Riel était-il tout simplement fou? Ses avocats tenteront en vain d’en convaincre les jurés, ainsi que Louis Riel lui-même. Interné pendant une partie de sa vie, M. Lachaîne relève que certains historiens pensent qu’on peut émettre de sérieux doutes sur la santé mentale de Louis Riel. Selon eux, Riel résolut alors de mettre en sourdine ses idées bizarres à sa sortie de l’asile.
Louis Riel écrivit de nombreux poèmes dans lesquels il décrivait sa « mission » qui lui fut impartie par Dieu. C’est précisément dans ces poèmes que M. Lachaîne trouve une explication plausible au destin tragique de Riel. Riel, au seuil de sa mort, décida tout simplement de vivre littéralement le dernier acte de son poème.
« Il ne faut pas dissocier le poète du révolutionnaire », avance le conférencier. Selon lui, notre erreur est de tenter d’interpréter les agissements de Riel au premier degré, alors que c’est toujours et avant tout le poète qui résidait en Riel qui influença son comportement. Perspective innovatrice qui ne manqua pas d’interpeller l’auditoire.
Pour conclure la soirée, M. Lachaîne a choisi de partager une dernière anecdote insolite à propos de Louis Riel. Maniant la controverse jusqu’à l’ultime échéance, on raconte que Riel aurait chuchoté les paroles suivantes à son bourreau : « Je reviendrai dans trois jours ».
Riel ne ressuscitera pas. Son rêve d’une nation métisse demeurera brisé. Aujourd’hui, les Métis continuent cependant de militer pour faire reconnaître leurs droits, comme le soulignait la sénatrice Alis Kennedy du Conseil des Métis de Toronto et de la région de York, présente à la conférence.