Un sentiment de fierté régnait au sein la communauté haïtienne le jeudi 18 mai. Rassemblées sur le toit de l’Hôtel de ville, plusieurs dizaines de personnes ont écouté l’hymne national et assisté à la levée du drapeau bleu et rouge d’Haïti, créée il y a 214 ans, jour pour jour.
Ce rendez-vous solennel était le point d’orgue de la Semaine de l’héritage haïtien, marquée par une cérémonie d’ouverture, le samedi 13 mai au North York Civic Centre, et un gala, le samedi 20 mai, à la salle Daniels Spectrum. Trois personnalités ont été honorées à cette occasion pour leur engagement communautaire : le père Michael A. Pace, le consul d’Haiti à Toronto Éric A. Pierre, et Christopher A. Sullivan de la fondation MASL.
« L’idée est de rassembler chaque année la communauté éparpillée dans le Grand Toronto, d’informer, de divertir les nouveaux venus et de se faire connaître du reste de la population, explique Rony Désir, coordinateur de la Maison d’Haïti du Grand Toronto. Nous avons également organisé une exposition lors de la première journée pour recueillir des fonds pour le développement de nos activités. »
Fuyant la dictature Duvalier dans les années 1960, des milliers d’Haïtiens ont immigré dans les provinces canadiennes qui partagent avec eux la langue française : le Québec mais aussi l’Ontario, principalement à Ottawa et Toronto. Près de 15 000 Haïtiens vivraient dans la région de la Ville reine, particulièrement à Scarborough et Pickering qui comptent un centre communautaire et plusieurs écoles.
Pour cette communauté soudée par une nation, une histoire et une langue communes, cette semaine « renforce notre identité et démontre notre cohésion. Elle livre un message aux Torontois : voici qui nous sommes, voici notre héritage, bâti sur l’union et la liberté. C’est très important pour nous de faire savoir au monde entier la richesse de notre histoire », insiste M. Désir.
Les Français ont colonisé la partie occidentale de l’île appelée alors Saint-Domingue aux XVIIe et XVIIIe siècles, y déportant des Africains de l’Ouest pour cultiver de force le café et le sucre. La terre d’Haïti a combattu l’esclavagisme dès 1791 pour arracher son indépendance en 1804, devenant la première république noire libre, alors qu’en France la liberté prônée depuis la Révolution ne dépassait pas les frontières de la métropole. Le drapeau bleu et rouge, débarrassé du blanc de la monarchie française, est créé le 18 mai 1803, symbole de liberté et d’union entre les populations noires, blanches et métisses dans une nation qui conservera comme langues officielles le créole et le français.
Aujourd’hui encore, les flux migratoires depuis Haïti restent d’actualité. Frappée par plusieurs catastrophes naturelles, l’île caribéenne a gardé les stigmates du séisme de 2010 et de l’ouragan de 2016. Dans un pays (le plus pauvre de la planète) qui peine à se reconstruire et à trouver un équilibre économique, un grand nombre d’Haïtiens tentent leur chance sur le continent américain.
Coincés au Mexique à la frontière des États-Unis depuis le durcissement des mesures migratoires de l’administration Trump, des milliers d’Haitiens viennent d’obtenir des papiers mexicains. « Cette régularisation est un moindre mal, selon Rony Désir, qui estime que leur venue au Canada aurait été la meilleure solution, compte tenu de leur langue française. »

Photo : Dave Champagne, président de la coalition créole, Adolphe Fougère, président de la Communauté des Haïtiens unis de l’Ontario, Rony Désir, coordinateur de la Maison d’Haiti du Grand Toronto, et Jean Daniel, conseiller lors de la cérémonie de levée du drapeau.