Brexit : divorce vinaigré et mariage au sirop d’érable

La salle était comble pour le premier des débats internationaux organisés par le Collège universitaire Glendon, le jeudi 13 octobre.
Pour cette entrée en matière, c’est le sujet européen très sensible du Brexit qui était retenu et, pour lancer le débat, quatre experts sélectionnés avançaient pions et arguments.

Dans ce que l’on considérera comme les pros-Brexit, on comptait Kevin McGurgan, consul général du Royaume-Uni à Toronto, et Glen Hodgson du Conference Board of Canada. Assis à leurs côtés, mais leur faisant face dans les opinions, les passionnés Mel Cappe, ancien ambassadeur du Canada au Royaume-Uni, et Armine Yalnizyan, économiste au Centre canadien de politiques alternatives. Le jeu était lancé.

Trois mois après le fameux référendum et alors que la première ministre britannique Theresa May amorce les débuts bureaucratiques du Brexit, le débat soulevait les enjeux d’un événement qui n’a pas de précédent : la sortie d’un état de l’Union européenne (UE).
C’est le consul général du Royaume-Uni qui s’est avancé le premier pour s’adresser à l’audience. « Le Royaume-Uni est fort et nous sommes ouverts au commerce », annonçait Kevin McGurgan. Le diplomate soulignait la force économique du Royaume-Uni qui est « toujours la cinquième plus grande économie du monde » et taclait au passage ses futurs ex-partenaires européens en lançant : « il y a eu plus d’emploi à Birmingham le dernier mois que dans la France entière ».
Quittant une alliance, le pays se chercherait-il de nouveaux alliés? Il veut tout du moins assurer ses arrières avec des partenariats, alors que le diplomate McGurgan soulignait la coopération britanno-canadienne appelant pour plus d’échanges entre les deux pays.

La politique du moi d’abord
Un discours bien rodé qui semblait balayé par la fougue de l’économiste Armine Yalnizyan qui s’interrogeait sur la politique du « moi d’abord » anglais alors que cette-ci semble pulluler au travers de la planète. « Ça ne va pas marcher pour tout le monde, si tout le monde est d’abord! »
L’économiste revenait sur les causes du Brexit qui inclut un retour à une souveraineté économique pour « reprendre le contrôle sur une croissance molle » car « on peut faire mieux ».
Armine Yalnizyan s’intéressait également à ce qu’inclut le vote du Brexit – ceci étant le rejet de l’autre, de l’immigrant – mais également aux impacts économiques pour le Royaume-Uni qui, pourtant, « avait le meilleur deal européen ».
Le prix de la nourriture va augmenter, le prix de l’essence va augmenter, selon l‘économiste qui rappelait que le pays importe 30 % de son PIB.
« Il n’y aura pas de gâteau sur la table, seulement du sel et du vinaigre », concluait-elle en citant les mots lancé par le président du conseil européen Donald Tusk.

« Ça va être difficile et pourtant, on ne peut pas dire : en fait, je ne le pensais pas. »

Une idée largement partagé par l’ancien ambassadeur du Canada au Royaume-Uni qui rappelait qu’il n’y a pas d’option douce, mais uniquement un « Brexit dur » et que l’impact de la sortie ne sera pas connu avant une dizaine d’années.
Si, pour l’expert, le vote de la sortie de l’UE était avant tout un vote protestataire – « vous posez une question et le peuple répond à une autre » – les résultats du référendum montrent avant tout le fossé qui existe dans la société : le fossé entre les jeunes et les aînés, mais surtout un fossé avec ceux qui ne sont pas « adaptés à l’économie et que leur gouvernement n’a pas aidés. »

« On a déjà vu ce film », notait en riant Mel Cappe, en rappelant le schisme de l’Église d’Angleterre avec Rome avant de reprendre sérieusement les points cruciaux et tendancieux qui se dressent devant le Royaume-Uni : toute une législation à refaire (avant elle était faite à Bruxelles) et donc de nouvelles infrastructures; l’avenir du secteur financier de Londres mis à mal (car le plus gros marché, c’est l’UE), ou encore le réveil des idées indépendantistes en Écosse dont la première ministre compte proposer un nouveau référendum d’indépendance. « Ça va être difficile, concluait l’ancien ambassadeur et pourtant, on ne peut pas dire : en fait, je ne le pensais pas. »

Dur, dur pour le consul général du Royaume-Uni à qui Glen Hodgson du Conference Board du Canada venait en aide en soulignant à quel point sporadique l’Union européenne était devenue, rappelant les crises économiques grecque, espagnole, portugaise et les difficultés françaises.
Alors que le premier ministre français Manuel Valls est en visite officielle au Canada, avec comme enjeu principal l’Accord économique et commercial global (CETA) pour lequel Justin Trudeau espère obtenir un appui total français, Glen Hodgson conseillait de compléter l’accord profitant de la présence actuelle du Royaume-Uni dans l’UE.

Et après? Pourquoi ne pourrait-on pas imaginer le Royaume-Uni embrassé par l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), suggérait l’expert imaginant un nouveau mariage pour le Royaume-Uni. Il concluait en citant Shakespeare : et si tout ça n’était que beaucoup de bruit pour rien?