Un long drap blanc, sur lequel sont brodées des silhouettes de danseurs par l’artiste franco-manitobaine Colette Balcaen, serpente telle une farandole à travers une galerie du Musée des textiles du Canada. Dans une salle adjacente, quatre costumes confectionnés par le créateur de mode et brodeur breton Pascal Jaouen allient savamment les cultures métisse et bretonne. L’exposition Farandole, présentée jusqu’au 14 novembre par l’Alliance française de Toronto, est le résultat d’une collaboration entre les deux artistes, initiative que l’on doit à l’origine de sa consœur, l’Alliance française du Manitoba.
Pour réaliser leurs œuvres, Colette Balcaen et Pascal Jaouen collaborèrent étroitement avec les brodeuses métisses, mère et fille, Jennine Krauchi et Jenny Meyer, ainsi qu’avec la tisserande Carol James.
Si les deux cultures résident aux antipodes, elles se rapprochent manifestement par la tradition du costume, de la broderie, du perlage, du tissage, du conte et de la danse.
Dansée dans les veillées et lors de grands rassemblements comme au Festival du voyageur, fête qui se tient au mois de février à Winnipeg, la farandole tire ses origines de la Provence du XIVe siècle. Danse communautaire et inclusive, elle est un parfait reflet de la culture métis, à savoir un délicieux mélange de traditions européennes et autochtones. Exécutée en cercle, puis en spirale, elle finit par se transformer en serpentin, emmené par un chef de file.
Cela prit un an complet à Colette Balcaen pour réaliser sa « farandole ». Sur les deux côtés d’un drap long de 30 mètres et de 3 mètres de haut, les silhouettes grandeur nature des danseurs s’enchaînent, se superposent et même s’entrechoquent grâce à la transparence de la toile. Les personnages prennent forme au moyen de bouts de fil, de laine, de tissu et de perles. Par intermittence, les mots compris dans 25 histoires, racontées à l’artiste par des Métis du Manitoba, prennent le relai. L’installation constitue un témoignage émouvant de la culture métisse de l’Ouest canadien.
Née en Saskatchewan, Colette Balcaen a grandi à Ste-Anne, une petite communauté francophone et majoritairement métisse située à environ 30 km à l’est de Winnipeg. Colette brode depuis sa tendre jeunesse. Après avoir été enseignante pendant 31 ans, elle s’est consacrée totalement à l’art une fois sa retraite prise. Détentrice d’un diplôme des beaux-arts de l’Université du Manitoba depuis 2005, elle est aujourd’hui une artiste pluridisciplinaire qui s’intéresse particulièrement à la condition féminine.
Quatre costumes d’hiver réalisés par Pascal Jaouen s’inspirent à la fois de la broderie bretonne et métisse, de même que de la haute-couture contemporaine. Sur une manche, un ourlet, un chapeau ou une ceinture, on reconnaît aisément les motifs qui apparaissent habituellement sur les costumes portés autrefois sur les bords de la rivière Rouge ou bien au pays Bigouden. Deux manteaux de femmes, ornés de broderies et de perles, comprennent des bordures en peau de renard. Sur l’une, on ne peut s’empêcher de remarquer les couleurs distinctes des couvertures de la Baie d’Hudson. Sur l’autre, un triskell, symbole traditionnel de la Bretagne, fait son apparition dans le motif. Un costume d’homme métis marie l’élégance moderne à la culture traditionnelle. Au bas d’une magnifique robe de princesse métisse, on retrouve le passage d’une histoire qui figure dans la farandole de Colette Balcaen. Cette collaboration et ce jumelage de deux cultures fut le résultat d’un séjour qu’effectua Pascal Jaouen au Manitoba en 2011.
« Quand j’étais jeune à Ste-Anne, les Métis se cachaient. Ils n’étaient pas fiers de leur culture », confie Colette Balcaen. Cette exposition démontre clairement qu’il n’en n’est rien aujourd’hui. Reconnus comme un des peuples fondateurs du Canada, les Métis voient cette fois leur culture et leurs traditions célébrées par une artiste franco-manitobaine et un styliste breton. Pour plus de renseignements sur l’exposition Farandole : https://www.textilemuseum.ca/fr.
Photo : Colette Balcaen