Le premier lundi de mars est une journée consacrée à discuter des effets du racisme sur la santé mentale des Noirs de Toronto. Il s’agissait cette année de la première édition de ce qui est appelé à devenir un événement annuel. Malgré le peu de publicité qui l’a entourée, cette journée a été ponctuée d’activités dont l’une s’est tenue au Collège Boréal.
C’est le Centre de santé communautaire TAIBU et la Ville de Toronto, partenaires et commanditaires principaux de cette journée, qui promeuvent cette campagne de sensibilisation avec d’autres organismes et institutions. Le panel de discussion qui a eu lieu au Collège Boréal constituait cependant le seul élément francophone de la programmation.
Les intervenants invités à partager leur point de vue et expertise étaient Antoine Derose, professeur au Collège Boréal, Blaise Nengo Buata, conseillère chez Options-Emploi (Collège Boréal), Annik Chalifour, journaliste et professeure aux collèges Boréal et La Cité, et Julie Lutete, directrice générale de l’Auberge francophone.
Chez de nombreux Torontois, la réalité socioéconomique propre au statut d’immigrant, ou à tout le moins de minorité, entraîne stress et dépression. Le racisme dont peuvent être victimes les Noirs ajoute un poids à l’incertitude et au sentiment d’exclusion qui caractérisent déjà le quotidien de plusieurs d’entre eux. Les panélistes se sont donc efforcés, dans leurs présentations, de retracer les origines et les conséquences de cette situation.
M. Derose a dressé un portrait statistique des 1,2 million de Noirs vivant au Canada. Il a également évoqué les problèmes auxquels ils font face : leur surreprésentation en milieu carcéral et dans les renvois scolaires en sont deux exemples parmi les plus connus. Par contre, les Noirs sont sous-représentés dans les diagnostiques de schizophrénie et parmi les bénéficiaires de services de santé mentale volontaires ou imposés.
Les stéréotypes socioculturels, selon Antoine Derose, expliquent en bonne partie cette situation. Les comportements antisociaux associés aux Noirs peuvent être dans plusieurs cas la résultante de problèmes de santé mentale. Les Noirs eux-mêmes ne sont pas sans reproche à cet égard : avoir recours à des services de santé mentale demeure tabou et honteux dans plusieurs communautés. La solution passe, selon M. Derose, par la création d’un modèle clinique qui tienne compte de la culture et des réalités sociales et historiques des Noirs.
Annik Chalifour a de son côté brièvement parlé de la notion de choc culturel. Ce phénomène est, selon elle, créé par ce que l’on ne connaît pas chez les autres. Le jugement immédiat, formé par une grille d’analyse propre à l’observateur, se base sur les apparences sans tenir compte de tout ce qu’il y a « derrière ».
Puis, Julie Lutete a livré quelques commentaires sur le concept de minorité qui, selon elle, devrait être plus circonscrit et inclure des considérations liées à la psychologie et à la discrimination. Par souci d’équité, il faudrait aussi mieux outiller ceux qui sont désavantagés. Le racisme systémique est bel et bien une réalité que Mme Lutete a illustrée par l’exemple des contrôles routiers affectant les Noirs de façon disproportionnée. Elle a également glissé un mot de la Coalition des Noirs francophones de l’Ontario, un nouvel organisme dont elle est présidente et qui a un rôle de représentation et de revendication.
Blaise Nengo Buata a pour sa part parlé de la notion d’intersectionnalité en ce qui touche les femmes. Elle s’est également attardée à la question de l’intégration des femmes immigrantes, particulièrement les Noires, la marginalisation avec laquelle plusieurs d’entre elles doivent composer et leurs défis économiques.
L’assistance était en bonne partie composée d’étudiants du cours Diversité et inclusion : sensibilisation et pratique dispensé par Marlène Thélusma-Rémy. Celle-ci a encadré la période de questions allouée au public qui a clôturé l’activité. Mme Thélusma-Rémy est également vice-présidente de la Coalition pour le bien-être et la santé des francophones de Scarborough, une entité qui relève du centre de santé TAIBU, et siège à ce titre au comité de la Ville de Toronto consacré à la Journée de la santé mentale des Noirs.
PHOTO: L’assistance s’est faite nombreuse pour la seule activité en français de cette campagne de sensibilisation.