« Si vous leurs en laissez la chance, ces œuvres peuvent vous transporter de la désolation jusqu’au réconfort », décrivait la commissaire d’exposition du Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO), Katharine Lochnan.
À l’origine de l’exposition Mystical Landscapes : Masterpieces from Monet, Van Gogh and more (Paysages mystiques : chefs d’œuvres de Monet, Van Gogh et plus) présentée à l’AGO, Katharine Lochnan invite le mystique au cœur de la question artistique.
L’exposition, réalisée en partenariat entre l’AGO et le Musée d’Orsay, s’impose comme l’une des expositions incontournables de l’année avec à l’affiche, une liste de maîtres de l’art moderne qui n’en finit plus. Paul Gauguin, Vincent van Gogh, Vassily Kandinsky, Piet Mondrian, Claude Monet, Edvard Munch ou encore Georgia O‘Keeffe sont parmi les peintres exposés et c’est bien leurs plus grandes œuvres qui ont pris place sur les murs du musée canadien.
Si le thème du mysticisme peut paraître trop religieux, nul n’en est. L’exposition entraîne le spectateur dans les années 1880 et 1930, au début du matérialisme et de l’urbanisation; période de grande désillusion religieuse. Les hommes et les femmes cherchent leur foi autre part et cet autre est la nature.
« C’est une exposition inclusive, c’est une exposition radicale »
Instruments de changement, rebelles, visionnaires, les artistes traduisent ce changement et cette quête naturelle, mystique. Paul Gauguin s’en va auprès des paysans de la Bretagne rurale, Monet cherche son réconfort dans la contemplation de Giverny et Van Gogh n’a d’yeux que pour le ciel d’Arles.
Il a fallu cinq ans à Mme Lochnan pour monter l’exposition et elle fera appel à des experts du secteur de la théologie, de l’histoire, de la médecine et de l’astrophysique pour la dessiner. « C’est une exposition inclusive, c’est une exposition radicale », décrit-elle.
Parmi les chefs d’œuvres réunis figurent trois peintures de Paul Gauguin – pour la première fois réunies depuis leur création – dont le superbe Vision après le sermon. Le peintre dira de cette toile dans une lettre à Van Gogh : « Je viens de faire un tableau religieux très mal fait mais qui m’a intéressé à faire et qui me plaît. Je voulais le donner à l’église de Pont Aven. Naturellement on n’en veut pas. »
Une respiration derrière le monde
La beauté du soleil couchant, les étoiles dans le ciel, la réflexion de la lune sur les lacs, le pouvoir des océans, les paysages exposés sont tour à tour source de beauté ou de crainte, l’idée que derrière le monde existe quelque chose de plus grand.
Le spectateur passe de l’état contemplatif de l’œuvre de Monet et de sa connaissance spirituelle, à la nuit noire de l’âme, section qui témoigne des ravages de la Première Guerre mondiale où, telle l’œuvre Verdun de Félix Vallotton, le paysage devient la traduction du corps écorché des hommes.
Puis l’on retrouve la délivrance dans l’état sauvage de la nature. Et si Edvard Munch est mondialement connu pour Le Cri, les visiteurs découvrent alors Le soleil de Munch. Une toile remplie d’espoir réalisée par le peintre à sa sortie de l’asile. « C’est comme si les rayons de ce soleil nous atteignaient », raconte la commissaire.
« Mais quand donc ferai-je le Ciel étoilé, ce tableau qui, toujours, me préoccupe »
C’est ce que confie par lettre Vincent van Gogh au peintre Émile Bernard en 1988, peu après son arrivée à Arles. Nuit étoilée sur le Rhône sera l’un des témoins de cette nuit qui obsède l’artiste. Ce chef-d’œuvre est la pièce maîtresse de la section Cosmos de l’exposition, une section qui rend comme un hommage à l’artiste néerlandais alors que les œuvres sont les seules sources de lumière de la pièce.
Une exposition immanquable qui s’apprivoise comme une ballade initiatique avec ces artistes. Vincent van Gogh dira : « Laisse-moi te prendre la main, nous regarderons ensemble. »
Photo: Vision après le sermon, 1988, Le Christ jaune, 1989 et Le Christ au Jardin des oliviers, 1989