Richard Caumartin

Le samedi 5 décembre, Oasis Centre des femmes a organisé une soirée de commémoration du féminicide de la Polytechnique de Montréal au campus du Collège Boréal, sur le thème « Se souvenir et construire demain ensemble : les hommes alliés engagés contre la violence basée sur le genre ». L’événement a réuni étudiantes, chercheurs, intervenants communautaires et hommes alliés, autour de la mémoire et de l’action pour prévenir la violence faite aux femmes.

La directrice générale d’Oasis, Inès Benzaghou, a ouvert la rencontre par un mot de bienvenue, suivi de l’allumage de bougies par toutes les personnes présentes, puis d’une minute de silence pour honorer les victimes de la Polytechnique et les femmes tuées en 2025.

« Il s’agit d’un moment de mémoire et de réflexion, mais aussi de responsabilité collective, souligne Mme Benzaghou. La violence ne commence jamais par le meurtre : elle s’installe lentement, par un regard condescendant, une blague déplacée, un commentaire humiliant, une insinuation, une menace. Lutter contre la violence, c’est réagir dès les premiers signes, refuser le silence et la banalisation, et reconnaître que chaque geste compte. »

L’événement a ensuite donné la parole à deux témoins de la tragédie de 1989. Isabelle Dostaler, vice-rectrice aux études et à la recherche à l’Université de l’Ontario français, et l’auteure Michèle Laframboise, toutes deux étudiantes à la Polytechnique au moment du féminicide, ont partagé leur vécu.

« Michèle et moi étions dans la même communauté, raconte Mme Dostaler. Savoir que cet événement horrible s’était produit sur notre campus… Ça aurait pu être nous. Ce qui est important, c’est que l’on reconnaisse aujourd’hui qu’il s’agissait d’un féminicide : 14 femmes ont perdu la vie simplement parce qu’elles étaient des femmes. »

Pour sa part, Michèle Laframboise a évoqué l’épreuve personnelle qu’elle a traversée, nécessitant un suivi thérapeutique pour surmonter le traumatisme. « Ces expériences marquent profondément, mais elles permettent aussi de réfléchir à l’importance de la prévention et de la sensibilisation. » Ces témoignages poignants ont ensuite alimenté une discussion sur le rôle des hommes dans la lutte contre la violence basée sur le genre.

Modérée par Serge Paul, homme allié engagé dans cette cause, la discussion a réuni trois panélistes : Karim Djinko, coach et formateur de leaders d’exception; Funch Curier, coach-consultant en basketball et agent de projet chez Point Ancrage Jeunesse; et José Kouadio, auteur et producteur du film La Face cachée, qui a participé à distance depuis l’Afrique via Zoom.

Serge Paul leur a demandé pourquoi il est essentiel que les hommes prennent part à cette lutte. « Ce n’est pas aux femmes seules de porter ce combat, insiste Funch Curier. La violence basée sur le genre est un problème humain. Ensemble, nous pouvons nous éduquer et trouver des solutions. Pour moi, la relation homme-femme est vraiment un équilibre que les athlètes de haut niveau ont besoin. Je peux en témoigner parce que mon petit frère se crée un personnage qui a confiance en lui quand il est sur le terrain, à la limite de l’arrogance. Mais, une fois hors du terrain, il trouve son équilibre avec sa femme. J’ai grandi dans cet esprit où l’on a le respect de chacun. »

Les trois hommes alliés ont partagé leurs expériences quotidiennes pour soutenir les femmes et sensibiliser d’autres hommes, soulignant l’importance d’une implication active et réfléchie. Leur témoignage a illustré que l’éducation et le dialogue sont des outils essentiels pour changer les comportements et prévenir la violence.

La soirée a également présenté le projet de recherche-action « Sa lutte, ma lutte », initié par l’ancienne directrice générale d’Oasis, Dada Gasirabo. Trois membres de l’équipe communautaire — Élisabeth Larsen, cochercheure communautaire ; Albertine Chokoté Naoué, responsable logistique et mobilisation; et Rachidata Sidibé, agente des communications — ont résumé les objectifs de cette étude. Elle vise à comprendre le rôle des hommes dans la prévention des violences faites aux femmes, soutenir leur engagement concret en tant qu’alliés, et favoriser le dialogue et l’action collective au sein de la communauté francophone immigrante du Grand Toronto.

L’étude a pour objectif final de concevoir un programme de sensibilisation et d’éducation sur la violence basée sur le genre, élaboré avec et pour les hommes et jeunes hommes alliés. Ce programme devrait permettre de renforcer l’implication masculine dans la prévention et la création de solutions concrètes au quotidien.

La soirée s’est conclue sur une note d’émotion et de réflexion, rappelant l’importance de la mémoire et de l’action collective dans la lutte contre la violence faite aux femmes. Pour Oasis Centre des femmes, cette rencontre a été une occasion de conjuguer souvenirs et engagement, et de renforcer la sensibilisation au rôle des hommes alliés dans la société. Entre témoignages, discussions et présentation d’initiatives concrètes, la soirée a offert aux participants des pistes de solutions pour construire un avenir où la violence basée sur le genre ne trouve pas sa place.

Photo (Crédit : R. Caumartin) : L’auditoire était composé en partie par des intervenantes engagées dans la lutte contre la violence faite aux femmes.