Le photographe Michel Huneault présentait son livre La longue nuit de Mégantic le samedi 28 janvier à la galerie torontoise Stephen Bugler.
L’ouvrage est le résultat d’une année de travail au sein de la communauté de la ville de Lac-Mégantic, au Québec, qui fut frappée par le pire accident ferroviaire qu’ait connu le Canada depuis 150 ans.
Le 6 juillet 2013, un train transportant du pétrole de schiste explose dans le centre-ville de Lac-Mégantic tuant 47 personnes sur le coup.
Photographe dont la pratique se dédie aux problématiques liées au développement, aux traumatismes personnels et collectifs et aux géographies complexes, Michel Huneault décide de se rendre sur les lieux. Vingt heures après l’explosion il arrive à Lac-Mégantic et commence son travail. Un travail qui durera plus de trois ans. L’œuvre La longue nuit de Mégantic revient sur la première année que le photographe a passé sur les lieux du drame au sein des Méganticois.
« Je ne pensais pas faire trois ans de travail mais, après quelques mois, c’est devenu clair que j’allais rester », explique Michel Huneault.
Dans son ouvrage, la première photo est datée de 22 h après l’exposition et annonce le début d’une narration entre mémoire et résilience.
En tournant les pages du livre, le lecteur est entraîné dans un univers sombre, presque cinématographique fait d’images et de textes, témoignages des habitants de Lac-Mégantic dont le photographe recueille les impressions au cours de discussions intimes.
« Les deux ou trois premières visites, les gens de la place te regardent. Tu fais partie des médias. Puis, j’ai commencé à faire mon réseau. Ils voyaient mon travail. J’habitais chez eux. Deux ou trois mois après, les grands médias étaient partis et les gens me disaient : mais qu’est-ce que tu fais encore là? », raconte l’artiste.
Michel Huneault fera au total 14 visites à Lac-Mégantic, soit 70 jours, et s’intégrera dans la vie des habitants en suivant une dizaine de personnes dont il fait le portrait dans son ouvrage et dévoile les témoignages.
« J’ai grandi dans une région assez similaire. Je me suis identifié très rapidement. On a le même langage, les mêmes mouvements », rapporte-t-il.
L’idée de transformer son exposition de photographies en un livre vient presque d’un besoin de représentation physique du deuil. « Je trouvais que cela prenait un format intime, qu’il y avait de beaux textes. Le livre était capable de dire : ça, ce sont les deuils de Méganticois », observe Michel Huneault.
« La longue nuit de Mégantic, c’est l’histoire d’un grand thème universel; comment une communauté se remet d’une tragédie, rapporte le photographe. Mais l’ouvrage questionne également notre relation au pétrole, au transport des matières dangereuses. Ce sont des enjeux qui sont au centre de discussions importantes. »
Dans la forme, Michel Huneault imagine un livre non-intimidant qui se lit petit à petit au rythme d’allers-retours entre les photographies et les textes, comme une exploration.
« C’est un livre qui, physiquement, ne se lit pas facilement. Il n’y a que des doubles pages. Il faut rentrer dans le livre. Il y a des détails qui se révèlent tranquillement. Il y a des choix esthétiques et de belles surprises », observe l’artiste.
Un ouvrage entre espoir et peine à l’esthétisme particulièrement travaillé qui offre un moment d’émotion pur au lecteur.