Artiste multidisciplinairs aux champs d’intérêt tout aussi multiples, Julien Prévieux était à la galerie Blackwood, à Mississauga, le 18 janvier dernier, pour le vernissage de son exposition intitulée The Elements of Influence (and a Ghost). Explorant des questions liées au monde de la finance, au savoir et à la technologie, l’exposition piquera la curiosité de plus d’un.
M. Prévieux fut le récipiendaire, en 2014, du Prix Marcel Duchamp, et cette distinction en dit long sur son approche privilégiée. Bien que qualifier ses oeuvres de dadaïste relèverait de l’anachronisme et ne cernerait pas avec exactitude le but de sa démarche, de nombreuses parentés existent néanmoins entre ce courant artistique d’il y a un siècle et ce que les visiteurs ont pu voir lors du vernissage. Utilisation d’objets usuels, montages photographiques, pointes d’humour caustique, etc., tout cela se retrouve dans l’exposition.
Le meilleur exemple en est Forget the Money, qui fait entrer le spectateur dans l’inconscient de Bernard Madoff. Ce célèbre escroc américain, condamné en 2009 pour avoir dérobé des milliards de dollars à ses clients, possédait une bibliothèque hétéroclite dont une partie fut acquise par Julien Prévieux lors d’un encan du FBI en 2011. Plusieurs de ces livres portaient des titres qui laissent songeurs lorsque l’on sait qui en fut le propriétaire et ce qu’il advint de lui : Crime and Punishment, White Shark, End in Tears, Touch the Devil, etc. Qui plus est, Madoff avait surligné certains passages de ces livres et pris note des pages où il était rendu dans leur lecture au moment où la police est venue mettre un terme à ses activités, laissant une trace de ce qu’était sa vie au moment où celle-ci a basculé.
Une des approches favorites de Julien Prévieux est de détourner de leur fonction des objets et des pratiques usuelles pour critiquer ou interroger certaines réalités. Les livres de Madoff n’ont pas fait exception et l’artiste s’en est servi pour créer un montage de photos et de textes documentant sa personnalité et le système frauduleux qu’il avait élaboré.
L’exposition, dont certains éléments se retrouvent ailleurs sur le campus, comporte d’autres pièces dont une projection vidéo de deux chorégraphies. Les gens présents au vernissage ont pu assister, dans la rotonde non loin de la galerie, à une présentation d’une de ces chorégraphies intitulée What Shall We Do Next?, interprétée par Allie Hankins, Syreeta Hector, Bee Pallomina et Kaitlin Standeven.
Intégrant de nombreux monologues et effets sonores, What Shall We Do Next? porte, pour l’essentiel, sur les mouvements ayant été brevetés. En effet, l’utilisation de certaines technologies, tels que les écrans tactiles, requiert des mouvements spécifiques et ceux-ci peuvent légalement être la propriété d’individus et de corporations. La dance illustrait plusieurs de ces mouvements et relatait l’histoire de l’évolution des technologies, leur présence envahissante dans nos vies, comment la science-fiction d’hier est devenue la réalité d’aujourd’hui, etc., ou, pour citer Julien Prévieux, « comment nos comportements sont influencés par la technique et par un cadre légal. »
The Elements of Influence (and a Ghost) sera en montre jusqu’au 4 mars et représente une occasion de réfléchir à ces détails que l’on remarque peu mais qui sont partie intégrante de notre réalité.