Il fallait arriver de bonne heure à l’Alliance française pour avoir la chance d’écouter celle qui fut l’une des figures majeures de la Nouvelle Vague. Agnès Varda, réalisatrice de, entre autres, La Pointe courte, son premier film qui marquera une entrée fracassante dans le cinéma français en 1955, ou encore L’Une chante l’autre pas (1977), diffusé au TIFF quelques jours plus tôt.
À l’occasion de sa venue, l’Alliance proposait un week-end vardien et projetait trois de ses œuvres : Jacquot de Nantes (1991), Les Glaneurs et les glaneuses (2000) ainsi que Cléo de 5 à 7 (1962), film suivit d’une rencontre très attendue avec la réalisatrice.
Le langage cinématographique de celle qui peut être perçue comme une « cinéaste littéraire » est identifiable, elle qui a une syntaxe cinématographique bien particulière.
La « cinécriture »
Arrivée au cinéma par la photographie, l’ancienne photographe de Jean Vilar utilise l’image comme elle utilise le mot, créant selon le découpage, le mouvement, le rythme du montage des phrases et produisant ainsi ce qu’elle appelle la « cinécriture ».
« Enlever les frontières », rappelle la réalisatrice qui « aime explorer », aime l’idée « de partir d’un moyen de s’exprimer à un autre ».
Alors la réalisatrice explore. Elle débutera le film Cléo de 5 à 7 en couleurs avec plan fixe sur des mains battant un jeu de tarot, mais c’est la mort qui est annoncée, une mort en noir et blanc sur le premier plan du visage de la belle Cléo, jouée par la sublime Corinne Marchand. Le noir et blanc pour la mort, mais aussi pour le budget : « On cherchait à économiser les coûts alors ».
Le language du temps
Varda, son mari Jacques Demy, mais bien sûr aussi Truffaut, Godard, Chabrol, ces réalisateurs révolutionnent les formes narratives et les codes visuels du cinéma moderne à la fin des années 1950 en s’intéressant au langage du temps.
Les instants ennuyeux de la journée prennent autant d’importance que l’événement avec un grand E; c’est la Nouvelle Vague qui aujourd’hui encore marque la syntaxe et le style du cinéma français.
Le temps comme outil principal de la construction du film Cléo de 5 à 7, ce dernier étant construit suivant les allées et venues de l’héroïne que le spectateur suit en temps réel. Enfin presque….
« Le film est en fait de 5 h à 6 h 30, mais c’était plus excitant de choisir comme titre de 5 à 7 », observe en riant Agnès Varda.
Un documentaire avec l’artiste JR en route
Touche à tout et semblant savoir tout faire, de la réalisation à la photographie en passant par les arts plastiques, la réalisatrice monte en ce moment un documentaire avec l’artiste de l’art de la rue JR. Une collaboration que la cinéaste décrit comme la formation d’un « couple de réalisateurs de 55 ans de différence d’âge. »
L’une des rares réalisatrices de la Nouvelle Vague, Agnès Varda a souvent été désignée pour son œuvre féministe. Un thème que l’audience ne manquera pas d’aborder et à la question de l’importance du féminisme dans son œuvre, la réalisatrice répond tout simplement :
« D’abord, je suis une femme, mais je suis aussi avant tout une cinéaste. Mon combat, c’est le cinéma. Évidemment, comme je suis femme et féministe, ces thèmes sont présents dans mes films ».
La rencontre s’est terminée sur une question du public : « Quels conseils donnez-vous aux jeunes cinéastes? » s’interroge une jeune femme. Ce à quoi Agnès Varda répondra « J’accepte d’être la grand-mère, la marraine, mais je refuse de donner des conseils ». Avant d’ajouter tout de même « mais si tu sens que tu n’as pas besoin de faire ce film et bien ne le fais pas. »
Laurence Stenvot