Rien en apparence ne les distingue du reste des autres joueurs : même uniforme, gabarit imposant, vitesse et agilité supérieures au commun des mortels. Seul un petit quelque chose les démarquent toutefois des quelque 40 autres. Ils sont francophones, les deux seuls cette année dans l’équipe des Argonauts de Toronto.

« On se fait gentiment railler de temps à autre. Moi, j’assume le fait que je suis francophone », admet Julian Feoli-Gudino, un receveur de 6 pieds et 200 livres qui a rejoint l’équipe de Toronto en janvier 2012 après une belle carrière universitaire avec le Rouge et Or de l’Université Laval.

Hervé Tonye-Tonye, l’autre francophone de l’équipe avec qui Julian partage une chambre quand ils sont en déplacement, affirme qu’il est fier d’être francophone. De plus, être français n’est pas sans son lot de notoriété. Les deux athlètes doivent souvent se soumettre au rituel des entrevues avec les médias français et passer ainsi presque tout autant de temps sous le feu des caméras que les joueurs vedettes de l’équipe.

Hervé et Julian, tous deux originaires du Québec, ont dû se mettre à l’anglais une fois qu’ils ont quitté le football collégial. Julian avoue avoir eu un peu de difficultés à comprendre l’accent sudiste de l’entraîneur de l’année passée. Il reconnaît que le débit est encore un peu rapide pour lui lors des « caucus ». Pour Hervé, il s’est fait à l’anglais lorsqu’il s’est rendu dans un collège du sud des États-Unis pour ses études universitaires. Il estime que son anglais est maintenant bon malgré un petit accent français qui demeure.

« On se parle cependant toujours en français. Ça ne me paraît pas naturel de parler anglais avec un autre francophone », explique Hervé.
Pour ces deux jeunes athlètes, jouer pour une équipe professionnelle représente une consécration.

« C’est vraiment extraordinaire quand tu reçois ton premier chèque. Tu te rends alors compte que tu es payé pour faire ce qui est une passion, confie Julian alors qu’il vient de terminer un des derniers entraînements avant d’affronter les Ticats de Hamilton dans la finale de l’Est. Tu joues tout à coup aux côtés de joueurs comme Ricky Ray et Chad Owens, des joueurs que je regardais à la télé quand j’étais jeune. »

« Quand je dis à ma famille au Cameroun que je joue au football, ils pensent que je parle du soccer », déclare Hervé en rigolant. Pour lui, le sport est dans son sang puisque son père fut également un athlète et participa aux Jeux olympiques. C’est alors qu’il jouait au basket avec ses frères dans un parc à Montréal qu’il fut remarqué par l’entraîneur d’une équipe de football. Son physique tassé et bien proportionné le désignait tout naturellement pour un poste de secondeur. Lui aussi avoisine les 6 pieds et dépasse même les 200 livres Hervé et Julian n’en sont pas à leur première expérience dans la même équipe puisqu’ils jouèrent ensemble au Cégep du Vieux Montréal. Julian estime que le niveau secondaire, collégial et universitaire au Québec est excellent et qu’il a été très bien préparé avant de passer chez les pros. Preuve de l’excellence du football de la Belle Province, Hervé et Julian se préparaient à retrouver dans quelques jours la dizaine de joueurs québécois que compte l’équipe des Ticats.
« J’ai pris ce livre en français hier soir et j’ai pensé à toi », adresse à Hervé un des entraîneurs dans un français tout à fait acceptable alors que celui-ci rentre au vestiaire. Voyez, même au football canadien, c’est super cool d’être Frenchie!