Vous avez sans doute vu les fresques murales de ces joueurs des Maple Leafs et des Canadiens se faisant face de chaque côté de la voie alors que vous preniez le métro à la station College. Sinon, vous vous souvenez peut-être de ces peintures de la Reine à côté d’un orignal, d’une sculpture de ce même animal sur le campus de l’Université de Toronto ou encore les multiples représentations de notre drapeau national. Bref, les œuvres de Charles Pachter sont omniprésentes dans notre subconscient.

Invité par la Société d’histoire de Toronto au siège de l’Alliance française de Toronto pour une présentation intitulée L’art de survivre et prospérer dans le milieu artistique canadien, Charles Pachter a su régaler son auditoire non seulement avec des anecdotes glanées tout au long de sa longue carrière d’artiste mais aussi grâce à son irrésistible humour. Lors de cette soirée, Charles Pachter fit non seulement une rétrospective de sa carrière d’artiste mais partagea aussi ses réflexions sur le traitement réservé aux artistes canadiens dans leur propre pays.

Le coup de foudre pour l’orignal remonte à sa plus tendre enfance. Choisi comme acteur vedette à l’âge de 4 ans pour le film documentaire Johnny at the Fair (Johnny à la foire), le jeune Charles fut plus impressionné par sa rencontre avec un spécimen de notre cervidé national qu’avec des célébrités de l’époque telles que Barbara-Ann Scott, Joe Louis ou Mackenzie King.

« Je me souviens encore de l’odeur de la peau de la bête », avoue-t-il encore aujourd’hui rempli d’émotion. À la sortie de l’école secondaire, études à l’issue desquelles il recevra non sans un brin d’ironie un « D » en art, Charles Pachter entreprit des études des beaux-arts à l’Université de Toronto. C’est durant un séjour à la Sorbonne au cours de sa troisième année universitaire qu’il fit la rencontre d’un autre de ses amours, le français.

À son retour au Canada, la naissance d’une amitié avec Margaret Atwood rencontrée dans une colonie de vacances à Haliburton et celle avec Alexander Caulder lors d’Expo 67 furent un signe qu’il était véritablement né sous la bonne étoile. « Je me souviens que je lui apportais des bières et des sandwichs », ajoute-t-il en parlant d’Alexander Caulder.

Puis vint le temps pour Charles Pachter d’explorer le Canada. C’est en voiture qu’il partit pour l’Ouest à la découverte de « ce vaste pays sous-peuplé ». C’est aussi à cette époque qu’il se rendit compte que ses compatriotes sous-estiment depuis toujours l’art canadien, phénomène qui perdure encore aujourd’hui selon lui. Alors que le pop art américain envahit la scène artistique canadienne, Charles Pachter produit sa propre version des cannettes de soupe d’Andy Warhol, une série montrant cette fois les fameux tramways rouges et blancs torontois.

Au cours des 30 dernières années, Charles Pachter a consacré une partie importante de son œuvre aux grands symboles canadiens tels que le hockey, le drapeau, le canot, la Reine et bien entendu l’orignal. Ces deux derniers furent d’ailleurs traités à toutes les sauces puisqu’on peut voir la Reine à cheval sur un orignal ou encore les deux échangeant des sourires. L’humour à travers les jeux de mot n’est jamais loin comme en témoignent certains titres d’œuvres : Laughing Monarchs, Hockey Knights in Canada ou Canadian Tire (un pneu décoré de petits drapeaux canadiens).

Quand bien même qu’il ait été promu récemment au rang d’officier de l’Ordre du Canada et que ses œuvres soient exposées en France et au Japon, Charles Pachter n’est pas toujours prophète en son pays. Pourquoi demeure-t-il encore dans l’antichambre de certains grands musées des beaux-arts canadiens? Peu importe, Charles Pachter répond avec la plus adroite des esquives : l’humour.

Photo : L’artiste Charles Pachter