Le Métropolitain

Université de l’Ontario français : l’offre de programmes cristallise le débat

Si elle n’a pas mis tout le monde d’accord sur les contours de la future Université de l’Ontario français (UOF), l’émission Le Grand Débat diffusée le mardi 6 mars en direct de l’Atrium de Radio-Canada, à Toronto, a eu le mérite d’éclaircir la vision de chacun et a démontré à quel point la concertation entre représentants universitaires et communautaires est au point mort depuis l’adoption de la loi actant sa création en décembre dernier.

Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Stéphanie Chouinard, professeure adjointe au Collège militaire royal de Kingston, Luc Bussières, recteur de l’université de Hearst, Koubra Hagar, élève conseillère du Conseil scolaire Viamonde, Donald Ipperciel, principal du Collège universitaire Glendon, Josée Joliat coprésidente du Regroupement des étudiants franco-ontariens (REFO), Louis-Philippe Dion, membre du collectif satyrique Garnements Inc. et Pablo Mhanna-Sandoval, président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), ont eu de vifs échanges.

Pablo Mhanna-Sandoval

L’exclusivité des programmes divise toujours
Le principal point d’achoppement a résidé dans l’exclusivité de l’offre de programmes. Pablo Mhanna Sandoval a milité pour le transfert pur et simple des programmes en français des institutions bilingues à la nouvelle université : « Si on veut une gouvernance par et pour qui fonctionne, il faut rapatrier les programmes ».

Donald Ipperciel a défendu au contraire une cohabitation de programmes complémentaires, qui ne reproduisent pas des programmes existants. « Éliminer l’offre bilingue, c’est réduire le choix des étudiants, alors que ce qui a motivé la création de l’UOF est le manque d’offre. »

Donald Ipperciel

Le défi : remplir les salles de classes
La popularité et le prestige de la future institution sont les grandes inconnues de l’équation UOF qu’un rapatriement des programmes à lui seul ne permettra pas de résoudre. Inciter les élèves des écoles secondaires à poursuivre leurs études en français et les étudiants étrangers à oser une expérience internationale sont incontestablement des leviers majeurs sur lesquels il faudra agir. « Un énorme travail de réputation à faire », selon MM. Bussières et Ipperciel. Et c’est peut-être ce qui a manqué de consistance dans le débat : l’immigration comme variable essentielle dans la réussite de l’université. Les porte-parole politiques Marie-France Lalonde (PL), France Gélinas (NPD) et Gila Martow (PC) ont largement été épargnées sur ce dossier comme sur l’ensemble des problématiques.

Gila Martow, Marie-France Lalonde et France Gélinas

Une vocation académique chahutée
L’université doit-elle être avant tout un lieu de connaissance ou une usine à travailleurs prêts pour le marché de l’emploi? Pour Louis-Philippe Dion, pas de doute, il est primordial de préparer les étudiants au marché du travail et donc délivrer « des diplômes reconnaissables, avec des titres qu’on comprend », égratignant au passage les dominantes envisagées dans le rapport Adam.

Même son de cloche chez M. Ipperciel : « Il faut mettre l’accent là où il y a des lacunes, c’est-à-dire sur des programmes professionnels qui mènent à des emplois rapidement comme la santé. »

Pour Stéphanie Chouinard en revanche, le mandat d’une université va bien au-delà de former des travailleurs : c’est « un endroit où on est capable de penser et repenser notre société, où on se donne les moyens dans l’enseignement mais aussi la recherche. »

Stéphanie Chouinard

Une francophonie unie à Toronto
Un temps contesté, le choix de Toronto comme ville hôte a fait l’unanimité lors du débat, l’ambition académique rejoignant les intérêts communautaires. Avoir une université à Toronto va permettre de « rassembler une communauté dispersée » et de faire « rayonner la francophonie dans les arts et la recherche » selon Koubra Hagar et Josée Joliat.

« Ça va permettre à la francophonie de prendre sa place, de déborder, plutôt que de rester éparpillée », a abondé Stéphanie Chouinard. Ce n’est pas une ghettoïsation qu’on recherche mais arrêter de se faire cannibaliser notre espace francophone. »

Carol Jolin

Consensus sur le mandat provincial
Cette résistance à l’assimilation passera par une gouvernance par et pour les francophones, prévue par la loi. Carol Jolin a dit vouloir « s’assurer qu’on aura la contrôle de nos organisations ». L’histoire a montré que lorsqu’on a notre gouvernance, ça fonctionne très bien. Il n’y a pas de raison qu’on ne continue pas dans cette voie-là. »

Le choix de Toronto n’a pas éludé la volonté d’aller à terme vers un mandat provincial  avec une université que l’on pourrait imaginer « en réseau pour l’ensemble des Ontariens qui peut être développé progressivement si on ne peut pas le faire d’un seul coup », a plaidé Luc Bussières tandis que Koubra Hagar a prôné des « campus satellites partout en Ontario ».

Luc Bussières

Loin d’être terminé, le débat devrait se poursuivre au gré des annonces et des spéculations, notamment sur le calendrier initial de l’entrée en fonction de l’institution – qui a pris du plomb dans l’aile ces dernières semaines, et avec lui le projet de carrefour francophone abritant notamment Boréal et la Maison de la francophonie, accueilli sans enthousiasme par la Ville.

Assurément, le financement et l’innovation devront être à la hauteur de l’ambition que se donnera l’UOF. « On a une opportunité en or d’être avant-gardiste, d’essayer de nouveaux modèles, d’innover car on part de zéro, a lancé Pablo Mhanna Sandoval. » « On peut aller à une autre étape, a renchéri Luc Bussières, et se donner le droit de rêver, d’inventer, en s’appuyant sur les meilleures pratiques existantes. (…). »

Alors rêvons. Tous ensemble.

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